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victoires (les 44e et 45e) n’est pas terminée : il attaque successivement encore un groupe de trois, puis un groupe de quatre appareils, et revient avec des balles dans son avion.

Cependant il a été nommé le 11 juin (1917) officier de la Légion d’honneur — à vingt-deux ans — avec cette citation : « Officier d’élite, pilote de combat aussi habile qu’audacieux. A rendu au pays d’éclatans services, tant par le nombre de ses victoires que par l’exemple quotidien de son ardeur toujours égale et de sa maîtrise toujours plus grande. Insouciant du danger, est devenu pour l’ennemi, par la sûreté de ses méthodes et la précision de ses manœuvres, l’adversaire redoutable entre tous. A accompli, le 25 mai 1917, un de ses plus brillans exploits en abattant, en une seule minute, deux avions ennemis et en remportant dans la même journée deux nouvelles victoires. Par tous ces exploits, contribue à exalter le courage et l’enthousiasme de ceux qui, des tranchées, sont les témoins de ses triomphes. Quarante-cinq avions abattus, vingt citations, deux blessures. » Texte éloquent et complet qui, du fait précis, remonte aux causes, montre chez le pilote et le combattant le cœur, la volonté, l’exemple. C’est le dernier paragraphe qui a le plus enchanté Guynemer, si gentiment sensible à sa gloire, en associant à ses combats la pensée du fantassin des tranchées levant les yeux pour le suivre.

Cette rosette ainsi gagnée lui est remise le jeudi 5 juillet, au camp d’aviation, par le général Franchet d’Esperey, commandant le groupe des armées du Nord. Mais la cérémonie n’a pas empêché Guynemer de voler. Il a mené deux rondes successives, l’une de près de deux heures, l’autre d’une heure sur un nouvel appareil dont il attend des merveilles. Il a attaqué trois D. F. W. et il a dû atterrir avec cinq balles dans l’avion (deux dans le radiateur et le moteur). Il est quatre heures de l’après-midi : un beau soleil d’été caresse les plateaux et les pentes des collines de l’Aisne. Les camarades de Guynemer sont là, heureux comme s’ils allaient eux-mêmes être décorés. La 11e compagnie du 82e régiment d’infanterie, commandée pour rendre les honneurs, fait face aux appareils de l’escadrille qui sont rangés au nombre imposant de soixante, comme des chevaux de course, pour prendre part à la fête : le Vieux Charles, le fameux avion, est le cinquième à gauche. Son maître a exigé sa présence, malgré les blessures qu’il a reçues