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princesse de Saxe-Cobourg, et, le 14 mai, il épousait la comtesse Jeanne Grundzinska, créée à cette occasion princesse de Lowicz.

Son frère ayant ainsi tenu sa promesse, c’était à lui à tenir la sienne. Il la tint en 1822. Au mois de janvier l’Empereur reçoit une lettre dans laquelle le grand-duc déclare de la manière la plus précise que, fermement décidé à ne jamais accepter la couronne impériale, il supplie l’Empereur, avec l’autorisation de l’Impératrice mère, de recevoir la renonciation formelle et irrévocable, qu’il fait, pour lui et pour ses enfans, de tous ses droits au trône de Russie. Sans nous arrêter à la question de savoir si cette lettre fut spontanée où exigée, constatons qu’elle laissait à Constantin l’initiative de la renonciation et attestait son désintéressement.


II

Il semble qu’ayant réalisé ce changement inattendu dans l’ordre de succession, Alexandre aurait dû se hâter de le rendre public et de le porter à la connaissance de son peuple, ainsi que le conseillaient la logique et la raison d’Etat. Il n’en fit rien ; le grand-duc Nicolas, les deux impératrices, un petit groupe de hauts dignitaires y furent seuls initiés sous le sceau du secret. Ce qui n’est pas moins remarquable, c’est qu’aucun d’eux, pas même le chancelier, comte de Nesselrode, qui aurait eu toute l’autorité nécessaire pour émettre une opinion, ne paraît être intervenu pour démontrer à l’Empereur la nécessité de ne pas cacher l’événement.

Les choses restèrent ainsi durant vingt mois. C’est seulement le, 16 août 1823 qu’Alexandre sort de son inaction. Il rédige un long manifeste dans lequel, prenant en considération les motifs qui déterminent son frère à ce grand acte de désintéressement, il donne les plus grands éloges à cette noble conduite, reconnaît que le grand-duc Constantin ne pouvait donner à sa patrie une preuve plus éclatante de son amour et de son dévouement, accepte enfin la renonciation volontaire qu’il fait de tous ses droits à la couronne, et déclare que, dans le cas où lui, Empereur, viendrait à mourir sans laisser d’enfans pour lui succéder en ligne directe, il désigne et déclare le grand-duc Nicolas et, après lui, ses enfans, héritiers du