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faire ? — Prêter serment. — A qui ? — A Sa Majesté l’empereur Constantin. — En avez-vous le droit ? Avez-vous oublié le paquet déposé par vous au Conseil sur l’ordre de l’empereur Alexandre et qui ne devait être ouvert qu’après sa mort ? »

Lapoukine avoua son oubli et, pressé de le réparer, il revint sur ses pas en compagnie de Galitzin. Le pli retrouvé avec son inscription impérative, ils se préparaient à l’ouvrir en présence des autres membres du Conseil, mais l’entrée du général Miloradowitch les en empêcha ; il était chargé par le grand-duc Nicolas de les inviter à se rendre sans délai auprès de lui pour prêter le serment de fidélité à Constantin Ier, que lui-même avait prêté et fait prêter aux troupes ainsi qu’aux personnages de la cour. Malgré cette espèce d’intimidation, le Conseil décida qu’il n’avait pas le droit, dans la circonstance actuelle, de méconnaître les ordres de l’Empereur défunt ; que son premier devoir était de prendre connaissance du papier remis entre ses mains, et de se conformer aux dispositions qu’il pouvait indiquer. En conséquence, le paquet fut ouvert. On y trouva la lettre que Constantin avait écrite à Alexandre en janvier 1822 et le manifeste impérial du 16 août 1823.

Les deux documens ayant été soumis à Nicolas, il reconnut qu’il devait obéir. Quoiqu’il ait ensuite déclaré qu’il ne regrettait rien de ce qu’il avait fait et que, si c’était à recommencer, il agirait de même, il ne pouvait se dissimuler que c’était de sa part une faute lourde de s’être hâté de proclamer Constantin. Toute la ville prévenue croyait à l’avènement de celui-ci, et des courriers expédiés dans toutes les directions pour l’apprendre au peuple russe étaient en route. Il fallait maintenant revenir sur ce qui avait été annoncé, demander aux troupes un second serment annulant le premier.

C’est dans ces conditions que Nicolas accepta la couronne, après s’être assuré une fois de plus que son frère, qui l’avait fait proclamer à Varsovie, était résolu à ne pas régner. Il le déclarait, dans une lettre datée de cette ville, le 7 décembre, c’est-à-dire le jour où lui était parvenue la nouvelle de la mort d’Alexandre, et apportée le 15 à Saint-Pétersbourg par le grand-duc Michel. La situation n’en restait pas moins irrégulière. Proclamé Empereur dans tout l’Empire, Constantin refusait la couronne, mais il n’abdiquait pas, pour ne pas s’embarrasser d’un titre gênant. « C’est un acte essentiel qui manque, »