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Le prince Galitzin la lui demanda, en lui annonçant qu’il était prisonnier. Il le conduisit, ainsi désarmé, au Château. Introduit devant l’Empereur, le prince Troubetzkoï voulut se justifier et même se plaindre ; mais en voyant entre les mains du souverain un papier qu’il reconnut, il tomba à genoux et avoua qu’il était trop coupable pour espérer son pardon.

« Tout ce que je puis vous permettre, lui dit l’Empereur, c’est d’écrire d’ici à votre femme que vous vivrez. »

En sortant du palais, un officier de l’état-major le fit monter dans un traîneau et le conduisit, escorté de six cuirassiers, à la forteresse. On sait que, finalement, Nicolas lui fit grâce de la vie et se contenta de l’exiler.

Ce n’était pas tout d’avoir déjoué ce complot redoutable et vaincu l’insurrection ; il importait qu’en se répandant en Europe, le récit de ces événemens ne fût pas dénaturé par une malveillance calomnieuse, préjudiciable au bon renom du gouvernement impérial. Déjà le comte de Nesselrode, chancelier de l’Empire, avait affirmé aux membres du corps diplomatique que rien ne serait changé dans la politique extérieure, et les représentans de la Russie avaient reçu l’ordre de tenir un langage analogue dans les chancelleries auprès desquelles ils étaient accrédités. Mais, à ces premières déclarations, Nicolas Ier crut devoir ajouter l’autorité de sa propre parole. Le 1er janvier, en Recevant les ambassadeurs étrangers, après avoir confirmé les dires de son chancelier, il raconta le complot sans en omettre les principaux détails, tout en essayant d’en atténuer l’importance et la gravité. Il n’y avait eu de coupables que les chefs, et encore étaient-ils en petit nombre. Le reste se composait de soldats jeunes et ignorans qui s’étaient promptement repentis de s’être laissé abuser par d’indignes mensonges. Au cours même de l’action, on avait vu des officiers s’élancer pour défendre l’Empereur, bien qu’afin de les armer contre lui, on les eût fait s’engager par « des sermens terribles. » Tout du reste était fini, bien fini, et cette lamentable affaire n’aurait pas de suite.

Mais, avec La Ferronnays qu’il retint après l’audience publique et quand ils furent seuls, son accent changea. Ce n’était plus le souverain parlant avec la prudence et la réserve qui conviennent aux communications officielles. Entre lui et l’ambassadeur de France régnaient, bien avant qu’il portât la