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dès le premier jour, se montrer digne de la couronne et la défendre avec tant de fermeté. L’Empereur se redressa, le regard embrasé d’orgueil comme s’il portait un défi à des ennemis invisibles.

— Oh ! quant à cela, s’écria-t-il, je vous garantis que ce que Dieu m’a donné, aucun homme ne pourra me l’ôter.

Il entra alors dans force détails sur la conspiration. Les découvertes faites par les enquêteurs démontraient qu’elle avait eu d’immenses ramifications dans l’armée, dans celle surtout que le général Woronzoff avait commandée en France et qui, depuis sa rentrée en Russie, était passée sous les ordres du général Wittgenstein. Woronzoff avait même, à son retour, présenté à l’empereur Alexandre un mémoire où il demandait des réformes dans le gouvernement et l’administration militaire. Quoique à cette époque les idées de l’empereur Alexandre fussent beaucoup moins opposées aux théories libérales qu’elles ne le furent depuis, cependant il se montra très mécontent du mémoire, et son auteur fut tenu pendant plusieurs années dans une sorte de disgrâce. Les propositions de réformes furent ainsi enterrées.

— Votre Majesté croit-elle qu’il y ait quelque étranger compromis ? demanda encore La Ferronnays.

— Aucun, du moins jusqu’à présent, répondit l’Empereur. Il parait que ces messieurs mettaient une sorte de vanité nationale à faire la chose entre eux. Il est possible cependant que les enquêtes nous conduisent à quelques découvertes. Si malheureusement il se trouvait, soit ici, soit à Paris, des Français qui eussent pris part à cette conspiration, je vous en ferai donner avis et j’espère en retour que si la police de France découvrait que, parmi les Russes établis chez vous, il s’en trouvait qui fussent liés au complot, comme probablement ils en seraient les directeurs, j’espère que votre gouvernement nous les ferait connaître et nous donnerait des renseignemens qui importent autant à la tranquillité de l’Europe qu’à celle de la Russie.

Pour finir ce long entretien, l’Empereur s’excusa de ne pas parler de la politique européenne. C’était encore pour lui une chose toute nouvelle ; il fallait qu’il sût avant tout où en était la Russie avec tout le monde.

— Mon désir le plus sincère, cependant, est de me maintenir avec toutes les cours de l’Europe sur le pied de parfaite