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confiance et d’intimité de rapports qui existaient entre elles et feu l’Empereur. Je sais, mon cher comte, combien Sa Majesté avait à se louer des dispositions du Roi, votre maître, et de celles de ses ministres. Il me semble, en effet, que la France et la Russie ont un égal intérêt à s’entendre et à rester parfaitement d’accord. J’ignore, au surplus, ce que pourront exiger les circonstances et les combinaisons que la marche des événemens pourra faire naître. Ce que je sais, c’est que tant que vous serez avec nous, je croirai à l’amitié du Roi pour moi, et que toute affaire quelconque sera toujours facile à traiter entre nous deux.

Peu de jours après ce suggestif entretien, l’Empereur fit appeler de nouveau La Ferronnays pour lui communiquer les résultats de l’enquête judiciaire qui se poursuivait activement. Il avait voulu l’en instruire lui-même et lui donner le moyen de ne transmettre à son maître, le roi Charles X, que des informations exactes, « dégagées des exagérations de la peur et des suppositions de la malveillance. » Dès ce moment, elles se donnaient libre cours par toute l’Europe, au détriment de la vérité à laquelle se substituaient des erreurs, des mensonges, « des Contes absurdes. » Il était vrai cependant que les découvertes faites avaient amené l’arrestation de nouveaux coupables et prouvé que leurs projets, qui remontaient très haut dans le passé, étaient encore plus effroyables qu’on ne l’avait cru.

— Je vous l’avoue, déclara Nicolas, j’ai quelquefois taxé d’exagération les craintes que manifestait souvent feu l’Empereur. Je croyais qu’elles étaient plutôt fondées sur des insinuations étrangères que sur des données positives. Je n’aurais jamais pensé qu’il fût possible de concevoir, de préparer et de conduire en Russie un complot aussi vaste que celui qui vient de se démasquer. Il a fallu l’évidence pour me convaincre ; mais aujourd’hui, le doute n’est plus possible. Ce n’est point un complot militaire, c’est une vaste conspiration qui, par d’exécrables forfaits, se proposait d’arriver au but le plus insensé. Je suis décidé à poursuivre mes recherches aussi loin que possible. Le danger auquel nous avons été exposés est un avertissement du Ciel, dont je serais coupable de ne pas profiter. Il s’agit non seulement de l’existence de la Russie, mais de la tranquillité d« l’Europe entière.

Dans ce langage apparaît l’erreur que commettait Nicolas Ier