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Cependant, je crois qu’il resterait encore ici un progrès à réaliser pour assurer, à l’aide d’une bonne surveillance et de sanctions appropriées, la rigoureuse exécution, par la meunerie, des mesures arrêtées.

Ceci dit, il me reste à examiner maintenant, passant du particulier au général, quelques-unes des réflexions que, considéré dans son ensemble, le problème alimentaire suggère aujourd’hui. Il est un de ceux où les impérieuses contingences de la pratique et les points de vue aigus de la science pure, se mêlent et se lient le plus complètement. Des laboratoires les plus fermés de la physiologie à l’étal du boucher, à l’étalage multicolore et odorant de l’épicier, il n’y a qu’un pas, mais que la plupart des gens ne se résignent pas assez souvent à franchir, car ils en pourraient tirer profit et santé comme nous allons voir.


C’est un problème bien mal connu que celui de la nourriture, et pourtant éternel, et toujours d’actualité, quelles que soient les vicissitudes des nations.

Mais c’est surtout, comme aujourd’hui, dans les grandes crises de la politique et de l’histoire qu’on en voit toute l’importance. Dût cette constatation rabaisser notre superbe, c’est alors qu’on aperçoit bien que manger est la fin première de tous les animaux et de l’homme aussi, que la zoologie classe irrespectueusement parmi eux. La nutrition est la seule chose qui soit commune et essentielle à tous les êtres vivans. Leur vie, leur activité, leur pensée même en dépendent, car on a vu déjà des tubes digestifs que ne surmontait pas un cerveau, mais on n’a point vu le contraire. Dans la phrase d’Harpagon où il s’insurge et proclame qu’il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger, un critique un peu paradoxal pourrait ne voir, après tout, qu’une protestation idéaliste contre cet’ état de chose déplorable, mais réel.

Mais jamais autant que dans ces récens mois de guerre, on n’avait saisi sur le vif l’importance pour les nations, comme pour les invididus, des considérations alimentaires naguère tant méprisées des pêcheurs de lune. Aujourd’hui, chacun sent que les questions de ravitaillement sont peut-être la principale pierre d’achoppement de la guerre, et que c’est d’elles, pour une bonne part, qu’en dépendra l’issue.

C’est ce qui m’encourage à parler un peu ici de la science des