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arrivait à de Blic de partir seul en patrouille, de s’offrir pour les reconnaissances les plus aventurées. Blessé dans une de ces reconnaissances, à Dixmude, le 20 octobre, il était revenu à la brigade à peine guéri. Et il y avait repris sa vie de Comanche. Mais on n’était plus ici à Dixmude et, dans ces plaines inondées, les reconnaissances ne pouvaient se faire que par bateau. Justement nous avions là nos doris, échouées dans les roseaux, sur les bords du marais. Leur faire passer la digue du canal de Noord-Vaast et les lancer de l’autre côté dans le shoore n’était pas d’une exécution bien difficile. De Blic, la veille de sa mort, était allé ainsi en doris, avec le quartier-maître Quinquis et cinq hommes, reconnaître la Ferme-aux-Canards. Le 17, il monta une autre expédition dans le Sud vers les fermes Terstyll et Violette. L’expédition, cette fois, n’était composée que de quatre hommes : de Blic et les fusiliers Prieul, Younou et Cordier. La première ferme était vide. La doris reprit sa marche silencieuse vers la seconde (la ferme Violette). Elle put accoster la clytte et les hommes, après l’avoir cachée dans les roseaux, se mirent à ramper vers les bâtimens, de Blic en tête. À cent mètres de la ferme, une rafale s’abattit sur eux : de Blic avait été tué sur le coup ; Cordier agonisait ; Younou, blessé, fut fait prisonnier, croit-on. Seul Prieul, quoique blessé lui-même à l’épaule, put se dissimuler derrière une souche. Il y resta jusqu’à la nuit et, tantôt en rampant, tantôt à la nage, parvint à rejoindre derrière le canal une de nos sections d’avant-poste. Ce fut par lui qu’on apprit la mort de de Blic, confirmée deux jours plus tard, dit Claude Prieur, par « la capture en cet endroit d’un sous-officier boche » qui déclara avoir « assisté aux obsèques sur place d’un officier français habillé en marin[1]. » Le lendemain ordre arrivait à la 4e compagnie de rentrer à Nieuport : une section belge devait nous relever à Klein-Noordhuyst. La nouvelle tactique adoptée par le commandement, le système de progression lente qui avait prévalu pour l’attaque sur la manière brusquée des premiers jours, exigeait que nos compagnies pussent se relayer sur la chaussée de Saint-Georges

  1. Cette mort de de Blic fut un vrai deuil pour tous. Sa bravoure était légendaire à la brigade et, dans cette unité où l’héroïsme était pourtant monnaie courante, c’est un fait qu’on le trouvait « trop courageux. » Le capitaine Martinie, près d’un mois plus tard (15 janvier), avait encore « les larmes aux yeux » en rapportant à l’enseigne Poisson les détails qu’il avait recueillis sur la mort de son ami.