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hommes et aux soldats du génie qui venaient toutes les nuits leur donner un coup de main, ne procuraient qu’une protection extrêmement précaire et devenaient d’autre part très vite impraticables. »

Si lente que fût cette manière de procéder, nous avancions cependant, le plus souvent sans pertes, et chaque jour nous rapprochait un peu plus de Saint-Georges. Non que l’ennemi demeurât inactif. Nieuport, derrière nous, bombardé par du gros calibre, achevait de s’effondrer. Nous y avions nos cantonnemens et l’ennemi le savait. Mais il recherchait surtout les Cinq-Ponts où s’abritaient nos canonnières et qui étaient le point de rayonnement, la charnière des voies menant à Saint-Georges, à Nieuwendame et à Lombaertzyde. Comme on craignait une rupture des communications, les ponts les plus menacés avaient été doublés par des ouvrages en liège. Les relèves purent ainsi s’effectuer régulièrement et notre progression ne souffrit aucun arrêt. En même temps que sur la route de Saint-Georges, elle se poursuivait du même train lent, mais continu, sur la berge Sud et la berge Nord de l’Yser. Sur la première de ces berges cependant, où les chasseurs tenaient un boyau dont l’extrémité était aux mains des Allemands, il fallait, pour gagner du terrain, « pied à pied, » tout le mordant et la ténacité de cette troupe incomparable. On ne dormait guère de part et d’autre dans ce boyau. C’était, dit le lieutenant de vaisseau L…, « une lutte sans répit ni trêve, dans laquelle les adversaires n’étaient parfois séparés que par quelques mètres et des barricades en sacs à terre qui avançaient ou reculaient tour à tour. » Mais les chasseurs « dominaient nettement », et le boyau tout entier finit par leur rester, avec un redan qui se trouvait à la bifurcation du chemin de halage et du chemin de Saint-Georges. Entre la Maison du Passeur et eux, il n’y avait plus que la largeur d’une chaussée.

Sur la berge Nord de l’Yser, où opérait une de nos flancs-gardes, la compagnie Riou avait poussé son avance dès le premier jour, on s’en souvient, jusqu’à la ferme F…, où elle avait organisé un petit poste. Mais, en retrait de ce petit poste, une route partait de l’Yser et montait perpendiculairement à travers les terres inondées vers le vieux fort de Nieuwendame occupé par l’ennemi. À supposer qu’il voulût prendre l’offensive, rien ne l’empêchait de nous tourner par cette route, de