Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on croirait entendre, quand bruit votre étamine, la voix qui ordonne aux vivans de marcher dans les mêmes périls aux mêmes apothéoses !

« Drapeaux, que l'âme de Guynemer reste éternellement en vous!

« Que, par vous, elle suscite et multiplie les héros à son image !

« Que, par vous, elle sache inspirer les résolutions ardentes des néophytes qui voudront honorer le martyr de la seule manière qu'il convienne, en imitant son haut exemple ; et qu'elle donne alors à ces vaillans la force de faire revivre en eux Guynemer dans ses prouesses légendaires!

« Car le seul hommage qu'il attende désormais de ses frères d'armes, — et que nous lui devons, — est l'action, la continuation de son œuvre.

« À cette seconde suprême, où, sur la limite de la vie, il a senti ses pensées près de lui échapper, où il a embrassé d'un coup, — telle une vision d'éclair, — tout le passé et tout l'avenir, s'il a connu une dernière douceur, c'est dans sa confiance absolue que ses camarades mèneraient à bien sans lui la tâche entreprise en commun.

« Vous, messieurs, ses amis, ses émules, — et maintenant ses vengeurs, — je vous connais, et, ainsi que l'était Guynemer, je suis sûr de vous : vous êtes de taille à faire face aux charges redoutables de l'héritage qu'il vous lègue et à réaliser noblement les vastes espérances qu'avec raison la Patrie avait mises en lui!

« C'est pour affirmer devant nos drapeaux, pris à témoin, cette continuité assurée et nécessaire que je tiens à remettre, dans cette cérémonie même, sous l'égide de la mémoire de Guynemer, sous son invocation, à deux d'entre eux, à deux des plus rudes lutteurs, des distinctions qui sont à la fois le prix du passé et le gage de l'avenir ! »


À Heurtaux redressé sur ses béquilles, à Fonck subitement grandi, à ces enfans de gloire, tout pâlis encore de l'évocation de leur ami et de leur maître, le général Anthoine donne sur l'épaule le coup d'épée et sur la joue l'accolade, avec les insignes de la Légion d'honneur. Puis, dans un calme relatif des élémens, son ode à la mémoire des morts s'achève en hymne religieux :