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dans les collections d’Italie, il en nomme l’auteur Johannes Gallicus ?


III

Avec le XVIe siècle, le caractère de l’art change profondément. Les Pays-Bas s’italianisent comme la France elle-même ; Rome devient la ville sainte, la métropole du beau. Il s’ensuit pendant soixante ans un grand trouble dans toute l’école. La palette se désorganise, les nudités envahissent un art jusqu’alors fort vêtu ; les peintres font leurs classes et s’essaient à manier le beau langage des humanistes. Tout « romanise, » sauf le portrait, qui parvient à sauver, dans ce désordre des méthodes, quelque chose des anciennes qualités du terroir et la forte discipline de la réalité.

On est souvent injuste pour cet âge ingrat de l’école flamande. En réalité, cette période difficile et assez ennuyeuse est la condition des œuvres qui vont suivre. Dès les premières années du XVIIe siècle, les Flamands ont à ce point absorbé les enseignemens de l’Italie qu’ils se trouvent en mesure de lui faire concurrence et de la supplanter sur le marché étranger. Avec une puissance d’assimilation sans exemple, et qui n’a d’égale que leur extraordinaire fertilité d’exécution, on va les voir partout suppléer au défaut des écoles nationales, alimenter Madrid, Londres, Paris et se faire dans toute l’Europe les fournisseurs infatigables des églises et des cours.

L’homme qui incarne entre tous cette manière de faire, le peintre qui pendant trente ans suffit à toutes les tâches et les mène de front, à la fois gentilhomme, artiste, diplomate et presque ambassadeur, c’est Rubens. Avec lui, l’art flamand du siècle d’Albert et d’Isabelle retrouve la splendeur et l’universalité qui avaient été les siennes au temps de Philippe le Bon ; grâce à lui, l’école d’Anvers éclipse l’ancienne école de Bruges, et balance bientôt la gloire de Bologne. Pour un public épris des Carraches et du Guide, le grand « Ralien » d’Anvers est le maître qui s’en rapproche le plus ; quiconque parmi les souverains désire avoir sa Galerie à l’instar du palais Farnèse ou du palais Rospi-gliosi, s’adresse à ce talent merveilleusement expéditif. Lorsque Marie de Médicis se fait construire au Luxembourg un palais florentin, qui lui rappelle sa maison natale et les jardins