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reconnaissance chrétienne et pour l’édification du quartier ?

On voit du moins ce qu’était cette France où chacun, depuis le Roi jusqu’aux dames de la Halle, employait les artistes et leur donnait de l’ouvrage ; où, le pays n’y suffisant plus, accueillait, embauchait la main-d’œuvre étrangère ; où Paris, pour la seconde fois, reprenait en Europe la direction des arts et, comme au temps des Ducs de Bourgogne, s’amalgamait la Flandre. On a vu ce qu’était cette province du cabaret de la Chasse, cette petite Flandre du Pont-Neuf et de la rue Taranne, au faubourg Saint-Germain. C’est, au surplus, l’époque de la paix de Nimègue, qui donne au Roi Lille, Dunkerque, une partie du Hainaut et de la côte flamande, entre la Lys et l’Yser : conquête peu violente, d’ailleurs, et dont le pays conquis ne garde pas rigueur. Les artistes, loin de bouder la France, continuent de plus belle à prendre le chemin de Paris ; le sculpteur Sébastien Slodlz, d’Anvers, vient s’y établir à cette date et y fonde cette famille d’artistes, Paul-Ambroise, Sébastien-René et René-Michel, dit Michel-Ange, qui seront, sous la Régence, les véritables précurseurs des Adam, des Clodion ; et, en 1684, six ans après le traité qui donne Valenciennes à la France, y naissait l’artiste, le poète de génie qui devait créer de toutes pièces la plus charmante des écoles françaises, — Antoine Watteau.


IV

En effet, ce grand art du XVIIe siècle, tel que l’ont « organisé » Colbert et Charles Le Brun, cet art des grands ensembles et des perspectives royales laisse peu de place à l’invention, au caprice personnels. Ce n’est guère, en son fond, qu’une importation un peu artificielle de l’art italien, à laquelle la volonté de faire grand et la discipline acceptée d’un ministère unique impriment seules une nuance propre d’ordre et de majesté. On parle beaucoup des « anciens : » en réalité le grand maître, c’est le cavalier Bernin, l’immortel créateur du péristyle de Saint-Pierre et de tant de beaux décors romains, de la place Navone à celle de la Trinité-des-Monts, — l’homme qui, en se jouant, dans son voyage en France de 1661, nous laissa le dessin de la colonnade du Louvre et plus d’une autre idée, que Le Vau et Mansart reprirent à Versailles.