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péripéties et nous n’en dirons que ce qui est nécessaire à l’intelligence de ce récit.

En montant sur le trône, Alexandre II avait à liquider le lourd héritage que lui léguait son père et à conjurer les nouveaux désastres dont la coalition des grandes Puissances menaçait la Russie, si la guerre eût continué. Il tente encore un dernier effort pour rendre à ses drapeaux le prestige de la victoire. Mais, après la prise de Sébastopol, il comprend que de plus longs combats ne pourraient le leur donner, et, si dures que soient les conditions de la paix qui lui est imposée, il s’y résigne. Elle est signée à Paris en 1856. En ces circonstances douloureuses, il témoigne d’une dignité qui lui vaut les sympathies, européennes que Nicolas Ier s’était aliénées. A travers d’innombrables péripéties, il s’attache à ramener la prospérité dans son pays et à se gagner au dehors des alliés qui l’aideront à recouvrer son rang en Europe. Peu à peu, il y parvient et voit venir vers lui ses ennemis d’hier.

Ses intentions se trahissent dans ses tentatives pour se rapprocher de la France ; mais les unes et les autres sont paralysées, en 1863, par l’insurrection polonaise, au cours de laquelle la France, qui cherche alors à s’assurer l’alliance de la Grande-Bretagne, se montre hostile à la Russie et ne dissimule pas ses sympathies pour les insurgés. Le gouvernement de Napoléon III, par sa politique imprudente, pousse Alexandre II dans les bras de la Prusse, sans donner aux Polonais les secours que, trompés par les apparences, ils attendaient de lui.

Le Tsar fut longtemps à pardonner à l’Empereur des Français. En 1870, quand s’engage la guerre entre la France et la Confédération germanique, outre qu’il attribue la responsabilité du conflit au Cabinet de Paris qui, non content du renoncement du prince de Hohenzollern à la couronne d’Espagne, a exigé la garantie du roi Guillaume, sa rancune se manifestera par le service qu’il rend à notre ennemie en empêchant l’Autriche de tenir les engagemens qu’elle avait pris envers nous.

Il est vrai que, dans l’intervalle, cette rancune avait trouvé un élément nouveau à l’heure même où elle paraissait prête à désarmer. En 1867, Alexandre II se rendait à l’invitation de Napoléon III, à Paris, pour visiter l’Exposition universelle ; il semblait alors disposé à oublier les encouragemens plus ou moins déguisés donnés aux insurgés polonais par le