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Gough continuaient d’avancer. — A cet arrêt, les Allemands crurent que les Alliés étaient hors de souffle, et ils célébrèrent un peu prématurément la fin de la seconde phase de l’offensive. Le 27, les journaux allemands reproduisaient un télégramme envoyé de Péronne au New York World par le journaliste Carl von Wiegand. Ce télégramme exposait l’état de la bataille, du point de vue allemand. L’offensive anglo-française avait été brisée comme par un mur. Sans doute les assaillans reprenaient haleine pour un troisième assaut, mais les Allemands se préparaient à les recevoir. Après vingt et un jours de lutte, les Anglo-Français n’avaient réussi qu’à enfoncer dans les lignes allemandes un coin de 8 kilomètres et demi de profondeur, large de 50 kilomètres à la base, mais de moins de 3 à la pointe, devant Péronne, dans la région Biaches-La Maisonnette. Ce coin couvrait 90 kilomètres carrés. Aux combats du 20, qui auraient marqué le plus grand déploiement de forces alliées dans cette bataille, les Alliés auraient disposé, toujours d’après Carl von Wiegand, d’une masse de choc de 34 divisions, dont 17 en première ligne, appuyées de 4 000 canons. Malgré ces formidables moyens, les Allemands restent pleins de confiance. A Péronne, le commandant en chef a dit au journaliste : « Les Alliés ne perceront jamais ici. » Les officiers ont ajouté : « Ni dans un an, ni dans deux, les Alliés ne rompront nos lignes. » Cependant ils ne déprécient pas leurs adversaires. Le général a parlé des Français avec étonnement et admiration : Die französische Nation hat die ganze Welt überrascht, niemand mehr als uns. Das französische Volk ist wie neugeboren. (« La nation française a surpris le monde entier, et personne plus que nous. Le peuple français est comme régénéré. »)

Au moment où ces lignes paraissaient, l’armée Gough, à la gauche de l’attaque britannique, avait emporté Pozières le 25. Ce village avait une singulière importance. Primitivement, c’était un des points d’appui de la seconde ligne allemande ; cette ligne ayant sauté dans l’Est, les Allemands l’avaient remplacée par une ligne nouvelle, par une sorte de raccord, qui venait s’embrancher sur l’ancienne ligne, précisément à Pozières. En d’autres termes, la ligne allemande avait pivoté (par sa gauche (Est) autour de Pozières, situé à sa droite et servant de charnière. Ce village, simple point d’appui, avait