Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE LITTÉRAIRE

CHATEAUBRIAND ET LES SAUVAGES[1]

Le 8 avril 1791, Chateaubriand s’embarquait à Saint-Malo, sur le Saint-Pierre, un brick de cent soixante tonneaux, capitaine Dujardin Pinte-de-Vin, pour l’Amérique. Il a raconté son odyssée dans le Voyage en Amérique, dans les Mémoires d’outre-tombe ; il en parle dans l’Essai sur les révolutions, dans Atala et dans les Natchez. Enfin, quelques-unes de ses œuvres les plus belles et attrayantes sont nées de son aventure américaine ; et quelques-uns des sentimens qu’il a rendus avec le plus de charme et qui n’ont pas fini d’alarmer les imaginations datent d’alors. A vingt-trois ans, il n’avait encore publié qu’une élégie, cet Amour de la campagne, qui parut, sous la signature du chevalier de C., dans l’Almanach des muses de l’année 1790. Et cette élégie n’est pas laide : mais on n’y devine pas du tout Chateaubriand. Il était à cette époque l’ami et rêvait aussi d’être l’émule de Fontanes et de Parny : Fontanes et Parny ont fait beaucoup plus joli et plus original que l’Amour de la campagne. Le génie de Chateaubriand ne s’est épanoui que tard et il avait pris ses premières forces dans la solitude américaine.

Le brick Saint-Pierre mena le voyageur à Baltimore. Et, si l’on s’en rapporte aux récits du voyageur, il faut dessiner ainsi son itinéraire : de Baltimore à Philadelphie et New-York ; de New-York à

  1. L’exotisme américain dans l’œuvre de Chateaubriand, par M. Gilbert Chinard (librairie Hachette). Du même auteur, L’exotisme américain dans la littérature française au XVIe siècle et L’Amérique et le rêve exotique dans la littérature française au XVIIe et au XVIIIe siècle (même librairie).