Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entretiens avec le commandant Armand, attaché au ministère de la Guerre français, homme de confiance de M. Clemenceau. »

Venaient alors des confidences sans intérêt sur ce qui se serait passé dans ces entretiens helvétiques entre le comte Revertera et son cousin par alliance, le comte Armand. M. Clemenceau l’avait belle; il riposta du tac au tac : En arrivant au pouvoir, il avait trouvé des conversations engagées sur l’initiative de l’Autriche (sur l’ordre du ministre autrichien, reconnaissait le comte Czernin lui-même). Il n’avait pas cru devoir prendre sur lui « d’interrompre des pourparlers qui n’avaient donné aucun résultat, mais qui pouvaient fournir d’utiles sources d’information. Le commandant Armand put donc continuer de se rendre en Suisse sur la demande du comte Revertera. L’instruction qui lui fut donnée, en présence de son chef, par M. Clemenceau, fut celle-ci : «Ecouter et ne rien dire. » Ad audiendum et referendum : la mission des plénipotentiaires qui n’ont aucun pouvoir. La preuve que cela se faisait sur l’initiative du comte Revertera, sur l’ordre du comte Czernin, existe, de la main du comte Revertera, qui a écrit: « Au mois d’août 1917, des pourparlers avaient été engagés dans le but d’obtenir du gouvernement français, en vue de la paix future, des propositions faites à l’adresse de l’Autriche-Hongrie, qui seraient de nature à être appuyées par celle-ci auprès «lu gouvernement de Berlin. » M. Clemenceau en tire la conclusion péremptoire : « Le comte Revertera, solliciteur et non sollicité, avoue donc qu’il s’agissait d’obtenir du gouvernement français des propositions de paix, sous le couvert de l’Autriche, à destination de Berlin. Et voilà le fait, établi par un document authentique, que le comte Czernin ose transposer en ces termes : « M. Clemenceau, quelque temps avant le commencement de l’offensive, me fit demander si j’étais prêt à entrer en négociations et sur quelles bases ! » Non seulement, en parlant ainsi, il n’a pas dit la vérité, mais encore il a dit le contraire de la vérité. En France, c’est ce que nous appelons mentir.»

Mais les conversations du comte Armand et du comte Revertera, c’est l’incident à côté, l’anecdote, la petite histoire. Dès cette première réplique, M. Clemenceau laissait entrevoir mieux : « Le comte Czernin ne pourrait-il pas retrouver dans sa mémoire le souvenir d’une autre tentative du même ordre faite à Paris et à Londres, deux mois seulement avant l’entreprise Revertera, par un personnage d’un rang fort au-dessus du sien? Là encore il subsiste, comme dans le cas présent, une preuve authentique, mais beaucoup plus significative. »