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je ne me sens pas de liberté. Vous ne pourriez certainement pas me donner celle que Gautier a à la Presse, ou Janin aux Débats. Je ne peux rien dire à moitié, c’est trop pitoyable. Laissez-moi un peu de temps pour mon espèce de poème, qui ne vaudra probablement pas grand’chose, mais qui vaudra mieux, et ne m’en veuillez pas surtout.

« A vous[1].

« ALFRED DE MUSSET »


La santé de Musset, Tort atteinte depuis sa dernière maladie, se rétablissait mal ; il faisait aussi maintes imprudences. L’été, sa famille lui imposait cependant les eaux : il sentait bien que le repos, sinon les eaux, lui était salutaire.

En août 1845, quittant la Lorraine, il écrit :

« Je reviens de Plombières, mon cher Buloz, et je trouve votre lettre à Mirccourt. Ne croyez pas que ce soit par négligence que je ne vous ai rien envoyé. Vous savez que ma santé a été encore rudement éprouvée cette année, et j’ai dû m’abstenir de tout travail. Je sais bien qu’il n’y a guère, à votre avis, de bonnes raisons pour ne rien faire. Chacun ne voit que son affaire en ce monde, mais c’est précisément le motif qui m’oblige à faire attention à la mienne, car cela ne plaisante pas. Hetzel, qui est dans le même cas que vous vis-à-vis de moi, m’a accordé un répit. Et vous, tout Reviewer que vous êtes, malgré nos petites chamailleries, vous êtes assez de mes amis, et des plus anciens, pour en faire autant. Ne vous figurez pas non plus que je sois absolument mort, ou passé à l’état de revenant. Je suis encore bon pour une strophe en l’honneur de qui que ce soit, excepté moi-même et les paysans de la Lorraine ; mais je n’ai pas eu permission de m’occuper ici d’autre chose que d’eau, de soleil et d’exercice.

« J’avais déjà entendu parler de votre révolution dynastique[2]aux Revues. Mais je ne savais pas que vous fussiez brouille avec les Bonnaire. Voilà bien des cancans de perdus. Je serai du reste à Paris ces jours-ci ; nous causerons de tout

  1. Inédite.
  2. Les frères Bonnaire, commanditaires, ayant formé le projet de faire de la Revue, indépendante, un organe ministériel et de la vendre au gouvernement, F. Buloz s’y opposa, la reprit, et en fit, en 1845, une société par actions. Mais il resta en bons tenues avec les Bonnaire.