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il affirmait que, ni par ses sentimens, ni par ses actes, il n’avait pu mériter une telle récompense.

Devant cette attitude de gentilhomme français, le reitre allemand, en une réponse embarrassée, dut, tout confus, se répandre, non en reproches, mais en excuses[1].

Quant à l’éloquent orateur de la protestation alsacienne-lorraine, M. Teutsch, les « frères allemands » qui le revendiquaient, à coups d’insultes, comme un des leurs, lui rendirent la vie si odieuse en son cher pays d’Alsace, que, le désespoir au cœur, il dut quitter la petite ville de Wingen à laquelle l’attachaient ses plus chers souvenirs d’enfance, ses plus anciennes traditions de famille, ses intérêts industriels même, et, traversant cette récente frontière tracée par la paix de Francfort avec du sang et des larmes dans le sol déchiré de la patrie, il vint s’établir sur le sol demeuré français ; il reçut du gouvernement les fonctions de Trésorier général qu’il exerça successivement dans les départemens de la Haute-Saône, des Vosges et de Saône-et-Loire.

À l’unisson du cœur de l’Alsace et de la Lorraine battait, à travers l’Europe, celui de nations, comme elles martyres et victimes de la Prusse : « Il est facile de concevoir, écrivait alors un proscrit de nom illustre, le fils du grand poète polonais Mickiewicz, les sentimens qui agitaient l’âme des députés polonais en entendant le député français Teutsch développer sa protestation au sein de la Chambre prussienne… La France doit compter sur elle-même avant tout, puis sur les nations qui n’oppriment personne, et ne plus se flatter de susciter une vertueuse indignation du rapt de l’Alsace-Lorraine dans des Empires qui ne se sont constitués et qui ne subsistent que par des rapts analogues. D’autre part, Polonais et Danois, qui gémissent sous le joug de la Prusse, ne doivent pas séparer de leur cause celle de l’Alsace-Loraine ; ils viennent de prouver que c’est une obligation a laquelle ils ne manqueront jamais[2]. »

Il n’y a pas de causes diverses de Pologne, d’Alsace-Lorraine, de Sleswig, de cause italienne, serbe, roumaine, tchèque, sud-slave, non il n’y en a qu’une seule, celle de la justice, et toutes nos revendications se tiennent. Ce qui s’affronte aujourd’hui,

  1. Voyez Abbé Félix Klein, Vie de Mgr Dupont des Loges.
  2. Article, de M. Ladislas Mickiewicz dans le XIXe siècle, 25 février 1874.