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LA FOIRE DE RABAT

III.[1]
IMAGES ANCIENNES ET MODERNES


IX. — UN APRÈS-MIDI A SALÉ

Que de murailles autour de ces petites choses légèrement rosées par le soir ! Quelle ville immense on pourrait enfermer, si l’on ajoutait l’une à l’autre les doubles et les triples enceintes qui entourent Rabat et Salé ! Tantôt, ces interminables remparts de terre et de cailloux, dont la couleur est changeante comme les heures de la journée, pressent les maisons, les terrasses et les rues ; tantôt, ils longent la mer et les morts ; tantôt ils disparaissent parmi les verdures des jardins, ou bien s’élancent, solitaires, à travers de grands espaces de campagne dénudée, donnant tout à la fois l’idée de la puissance et celle, d’un immense effort perdu. Pour avoir accumulé autour d’elles de si formidables défenses, qu’avaient-elles donc de si précieux à protéger, ces deux petites cités d’Islam ? Rien peu de chose, en vérité : du soleil sut de la poussière ; des oripeaux bariolés ; des cimetières qu’on dirait abandonnés de tous, et même de la mort ; la chanson d’une guitare à deux cordes, dont la plainte monotone satisfait indéfiniment des oreilles qui ne demandent pas plus de variété a la musique qu’au bruit de la fontaine ou au pépiement d’un oiseau ; de petites échoppes où, dans une ombre chaude,

  1. Voyez la Revue des 15 septembre et 15 décembre 1917.