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faut viser, c’est la côte allemande, la vraie côte allemande, celle qui se croit, bien à tort, invulnérable et qui, au demeurant, ne peut pas être partout aussi bien défendue que le littoral belge, auquel, pour tant de motifs militaires, politiques, économiques, nos adversaires tiennent avec un entêtement obstiné.

J’ai déjà discrètement indiqué les points particulièrement attaquables de cette côte ; j’ai discuté les avantages de cette offensive et les méthodes qu’il conviendrait d’employer en vue de réduire des défenses qui ne sont pas, — on vient de le voir, — et qui ne seront jamais assez redoutables pour arrêter de vaillans hommes bien conduits, bien appuyés par la plus puissante force navale du monde et suivant, avec une intelligente ténacité, des plans bien étudiés, bien mûris…

Dans ces grandes entreprises, comme dans le coup de main du 23 avril, on peut compter sur le succès, sur un succès plus complet même, un succès « intégral, » puisque l’on aura justement, avec la confiance que donne une première victoire, l’avantage d’une expérience, précieuse sur beaucoup de points jusqu’ici sujets de controverses.

Portons donc plus loin nos vues ! Sachons voir grand pour voir vraiment juste ! Les événemens actuels, les plus formidables qui se soient déroulés depuis de longs siècles, exigent de nos intelligences les concepts les plus hauts, les plus étendus, en même temps que, de nos âmes, la ferme acceptation de certains sacrifices, le renoncement généreux à des doctrines surannées, à des traditions particularistes qui se défendent avec vigueur, mais qui n’en sont pas moins dangereuses…

Et enfin, sachons vouloir, sachons oser ! L’Allemand ne l’emporte sur nous, — quelquefois, — que par l’audace de ses attaques, d’autant plus violentes et hardies que sa situation, au fond, lui apparaît moins rassurante. L’histoire de toutes les guerres du passé prouve qu’attaqué à son tour et surtout là où il ne s’y attend pas, il se trouble, il hésite, il se déconcerte. Eh bien ! Assaillons-le donc, assaillons-le sur les fronts actuels, d’abord, pour l’occuper partout ; mais ensuite, après la préparation convenable, assaillons-le sur le front Nord qu’il feint de croire intangible, assaillons-le chez lui !…


Amiral Degouy.