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L’UNITÉ BELGE
ET
L’ALLEMAGNE


La force des armes pourra bien conquérir momentanément la Belgique, mais jamais dompter l’opinion générale d’un peuple aussi fier qu’énergique pour le maintien de ses droits.
METTERNICH.
Nous pouvons être écrasés ; mais soumis, jamais.
BARON DE BROQUEVILLE, 4 août 1914.


Voilà bientôt trois ans qu’en une heure de dépit le gouverneur Von Bissing déclarait : « Le caractère belge est une énigme psychologique[1]. » Pour la force brutale, les revendications du droit sont une énigme ; et pour la « matière humaine, » — tel est le nouveau nom que des millions d’ « âmes » allemandes se laissent imposer par leurs maîtres, les revanches de l’esprit, aussi, sont une énigme. Il y eut au moins trois énigmes auxquelles se heurta le cerveau de Bismarck : l’idée alsacienne, l’idée polonaise, l’idée catholique ; et vis-à-vis de l’Alsace, vis-à-vis de Posen, vis-à-vis de Rome, le chancelier de fer rendit sa poigne d’autant plus dure, qu’il sentait son intelligence devenue soudainement plus courte : ne comprenant pas, il frappait. Mais plus il cognait, plus s’aggravaient les énigmes : car l’apparente puissance des coups scandait et dénonçait leurs impuissants échecs. Ainsi que fonçait le chancelier, la Prusse continue de foncer : et le Belge lui fait l’effet

  1. Passclecq, La question flamande et l’Allemagne, p. 217 (Paris Berger-Levrault, 1917).