Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/515

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gand. Elle escomptait sans doute, pour de si grands bienfaits tendus à la pointe de l’épée, l’humble et fraternel merci des lèvres flamandes.

Mais les lèvres flamandes n’exprimèrent à l’Allemagne ni gratitude, ni humilité, ni fraternité. Un des leaders flamingants, M. Huysmans, siégeait au conseil communal de Bruxelles : « Je serai des premiers, déclarait-il, à démolir de ma main l’œuvre allemande de transformation administrative de la capitale en ville flamande. » Un des représentants les plus illustres de la haute culture flamande, l’historien Paul Frédéricq, siégeait dans le corps professoral de l’Université de Gand ; et sa déportation au-delà du Rhin, celle de son collègue wallon l’historien Henri Pirenne, attestèrent et vengèrent, d’une odieuse façon, la déception que ce corps professoral infligeait à l’Allemagne. Dans la bâtisse flamande que sans délai l’Allemagne voulait ouvrir, la science flamande faisait grève. Von Bissing, alors, plaça cette bâtisse sous un parrainage imprévu, celui de Mars. « Le Dieu de la guerre a tenu l’Université sur les fonts baptismaux, l’épée au clair, » proclama-t-il lorsqu’en octobre 1916, inaugurant prétentieusement l’institution nouvelle, il couvrit de son regard déçu l’insignifiant troupeau d’étudiants péniblement groupés autour de quelques professeurs de fortune, eux-mêmes péniblement ramassés. Les bénédictions du Dieu de la guerre, même apportées par Von Bissing, ne pouvaient faire que cette parodie d’Université qui allait usurper la langue flamande réussit à confisquer l’âme des Flandres. « Tout cela va à l’encontre de l’idéal flamand, signifiait M. Julius Hoste ; car cet idéal réclame pour sa libre expansion la liberté du territoire, comme la plante réclame la terre nourricière. »

L’Allemagne tout de suite reprit audacieusement : « Votre liberté, je la veux, je la crée ; et la voici scellée, souverainement ; et de par ma grâce vous allez être libres, oui, libres… à l’égard des Wallons. » La séparation administrative des Flandres devint l’article primordial du programme germanique. Des ordonnances l’ébauchèrent, au cours de 1916 ; on prétendit la parachever, en février 1917, dans une parade dont quelques Flamands sans mandat ni notoriété acceptèrent d’être les acteurs. Mais tandis que les sept députés du prétendu « Conseil des Flandres, » émanation de deux cent cinquante congressistes