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eux, de concert avec les Wallons, jusqu’à la dignité de nation et jusqu’au prestige d’Etat, et qu’ils n’en veulent pas déchoir Que l’Allemagne réserve donc sa compassion pour les nationalités gauchement encadrées dans l’hétérogène mosaïque d’Autriche-Hongrie, ou bien pour d’autres, plus à l’Est, chez qui les Turcs sont campés. Mais les Flamands ne permettront pas que la question flamande, question de ménage entre Belges, soit, à l’abri du principe des nationalités, dénaturée par l’Allemagne aux yeux de l’Europe.


III

Au-delà et au-dessus du principe des nationalités, il existe une nation belge : c’est là un fait historique, créé par un vouloir collectif, antérieur et supérieur aux doctes intrigues de l’Allemagne. Et s’il plaît à celle-ci de poser à cet égard un point d’interrogation, l’histoire questionnée répondra contre elle.

Un morceau d’Allemagne et un morceau de France juxtaposés ; dans ce morceau d’Allemagne, l’élément latin, l’élément wallon, prédominant ; et tout au contraire, dans ce morceau de France, l’élément germain, l’élément flamand s’épanouissant à l’aise : voilà sous quel aspect, déjà complexe et fort enchevêtré, la Belgique s’offre à nous dans le très haut moyen âge ; et l’Allemagne et la France sont alors comme deux pôles vers lesquels s’orientent respectivement ces deux tronçons. Le Wallon de ce temps-là regarde vers l’Allemagne ; le Flamand, vers la France. Un Gislebert, ancêtre des comtes de Louvain, enlève la fille de l’empereur Lothaire ; un Baudouin, ancêtre des comtes de Flandre, enlève la fille du roi Charles le Chauve ; ils aiment, en elles, les titulaires éventuelles de certains droits, droits en terre germaine ou bien en terre franque. Si les féodaux belges se fussent abandonnés à l’idée de jouer un rôle au dehors et d’intervenir, les uns au-delà du Rhin, les autres au-delà de la Somme, l’idée belge ne fût jamais née. Mais rapidement, ils comprirent que leur intérêt n’était pas de se rendre maîtres hors de chez eux, mais de devenir maîtres chez eux. Et tandis que le mouvement qui les poussait à s’ingérer, soit en Germanie, soit en France, leur imprimait des orientations inverses, qui les éloignaient les uns des autres, le mouvement qui les