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connaissance réciproque, un progrès vers l’unité : et cela encore est bien belge, précieusement belge.

Un jour de 1908, un Français vint à Anvers, pour entretenir les Belges de leur littérature :


C’est en restant Belges de cœur, leur disait-il, que vos écrivains de langue française ont le mieux obéi à leur vocation. Nous souhaitons qu’ils cherchent de plus en plus, dans vos traditions locales, dans vos coutumes, dans le ciel qui a inspiré vos peintres, dans la terre qui a engendré vos héros, les éléments substantiels d’une originalité croissante. Aucun Français ne songe à leur demander de prendre à Paris une sorte de mot d’ordre ou de ralliement littéraire.


Le conférencier qui, portant à la littérature belge l’hommage de la France, appelait ainsi sur l’âme belge et sur le passé belge la piété fervente de cette littérature, devait, cinq ans plus tard, au Congrès de Versailles, acquérir un titre unique pour parler au nom de la France[1]. Paroles d’Emile Deschanel, paroles de M. Raymond Poincaré, j’aime recueillir ces échos de France, de la France respectueuse de toutes les franchises intellectuelles et de toutes les efflorescences de vie, et j’aime les opposer à ces autres propos, menaçants ou perfidement caressants, que tient à la Belgique d’aujourd’hui l’impérialisme allemand, et qui toujours, quelque accent qu’ils affectent, visent à la destruction d’une culture et au morcellement d’un peuple uni.


VIII

L’unité belge, aujourd’hui, possède une consécration plus solide encore que celle qu’elle devait à sa jeune littérature nationale, plus solide même que celle dont l’enrichit, en faisant du Congo un État belge, l’imagination réaliste de Léopold II ; et cette consécration, c’est l’Allemagne même qui la lui a ménagée. Oui, l’Allemagne…


Halte-là ! sur nos bataillons
Le même étendard flotte et brille.
Soyons unis !… Flamands, Wallons,
Ce ne sont là que des prénoms :
Belge est notre nom de famille[2].

  1. Raymond Poincaré, Grande Revue, mai 1908, p. 17 et 26-27.
  2. Amélie Struman et Kurlh, Anthologie belge, p. 1750 (Paris, Reinwald, 1874).