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sympathie réciproque la France et les Tchèques étaient parvenus. D’une part, le gouvernement français accordait aux Tchèques établis sur notre sol le bénéfice d’un traitement de faveur, analogue à celui des Alsaciens-Lorrains et des Polonais. D’autre part, — sans même attendre d’avoir obtenu cette mesure d’exception, — le plus grand nombre de nos hôtes tchèques en âge et en état de porter les armes s’engageaient sous nos drapeaux.

Le fait est connu, sans doute : il n’a pas eu, à notre avis, tout le retentissement qu’il méritait. Il est tout à notre honneur comme à celui de ces braves volontaires, et de plus il constitue un signe frappant de l’aspect nouveau que revêtent, pour la conscience moderne, les questions nationales. Car enfin, représentons-nous la situation d’un commerçant ou d’un artisan tchèque, installé à Paris, le 2 août 1914. S’il ne consultait que les papiers officiels et les formules légales, il devrait quitter la France, rejoindre son pays natal, aller prendre sa place dans l’armée impériale et royale de S. M. Apostolique, où il a peut-être fait son service militaire autrefois, où il a peut-être des amis, des voisins, des frères, enrôlés malgré eux. Or, non seulement il ne le fait pas, mais il fait tout le contraire. Il ne reste pas non plus, ce qui lui serait loisible, à l’abri du conflit, tranquillement occupé de son métier ou de son négoce. Il accourt se jeter dans la fournaise, non pas contre nous, mais avec nous. Pourquoi ? C’est, d’abord, qu’il nous est reconnaissant de l’accueil qu’il a trouvé chez nous ; c’est qu’il s’est fait, en vivant en France, une âme à moitié française. Mais c’est surtout qu’il a conscience d’accomplir les ordres souverains de son patriotisme. Il sait que la France défend la cause du droit, la cause de toutes les victimes, de toutes les nations opprimées, comme est la sienne. Il sait que de notre victoire, et non de celle des Empires centraux, la Bohême peut sortir libre et grande. Et ainsi, en trahissant son devoir officiel de sujet autrichien, il sent qu’il fait son devoir, bien autrement important, bien autrement profond, de citoyen tchèque.

Telle est la conviction puissante à laquelle ont obéi les volontaires tchèques et slovaques qui, à la première heure de la lutte, sont accourus pour combattre à nos côtés. Ils n’étaient pas nombreux, sans doute, et c’est ce qui explique que leur geste admirable soit demeuré inaperçu aux yeux de la foule : 700 seulement, pas de quoi composer un régiment. « Qu’est-ce