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vieillesse. S’il n’a pas été économe, il n’a alors qu’une retraite dont les éléments, en majeure partie, n’ont pas été fournis par lui. Son sort devient moins assuré que celui du petit commerçant ou de l’artisan ; d’autant plus tranquilles qu’ils recueillent alors le fruit de leurs efforts passés et des sacrifices qu’ils se sont imposés, pour amasser un capital, ou de l’agriculteur qui peut travailler en général jusqu’à un âge avancé et dont le séjour à la campagne simplifie les besoins.

D’ailleurs les richesses sont de plus en plus possédées par des sociétés, dont le développement a été rapide depuis un siècle. Des patrimoines considérables se trouvent ainsi fractionnés et répartis entre une infinité d’intéressés : chaque action ne représente qu’une part infime de cette opulence collective, qui offusque ceux-là seulement qui n’ont pas réfléchi au morcellement déterminé par la constitution même des entreprises.

Une dernière observation est de nature à faire s’écrouler tous les sophismes qui depuis trop longtemps s’échafaudent dans cet ordre d’idées. Quel est le plus précieux de tous les capitaux, et celui qui en même temps est à la portée de chacun de nous ? C’est le capital humain, c’est la valeur physique, intellectuelle, morale, de chaque individu, qui possède en soi, grâce aux forces du corps et de l’esprit, l’instrument susceptible de lui procurer, en échange de son travail, des revenus souvent élevés. Représentons-nous un fils de famille qui a reçu un petit héritage et qui vit du revenu de ce pécule. On connaît les impôts de toute nature qui amputent de plus en plus la somme annuelle qui lui revient. On sait quels dangers court cette fortune si elle est représentée par des valeurs mobilières, à quels risques elle est exposée. Qu’on demande aux porteurs de fonds russes dans quelles angoisses ils vivent, en redoutant la répudiation dont les menacent Lénine, Trotsky et consorts. Envisageons même la fortune placée en biens-fonds : qu’ont touché les propriétaires français depuis le 1er août 1914 ? On en cite qui mouraient presque de faim, tandis que leurs locataires vivaient dans l’abondance et les narguaient, à l’abri du moratoire qui les dispensait de rien payer. Des ruraux sont plus heureux, nous dit-on. Oui, mais à la condition d’avoir des bras pour cultiver leurs champs ; et nul n’ignore quelle est la rareté actuelle de la main-d’œuvre agricole.

En face de ces « propriétaires, » considérons le jeune