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d’y parer, de les empêcher ou de les compenser ; et ce moyen est aussi simple qu’honorable : c’est de déclarer tout net et de prouver par toute notre altitude, dans tous nos actes et toutes nos paroles, que nous sommes avec les opprimés contre les oppresseurs, pour le droit des nationalités contre le despotisme d’une race et sa prépotence sans droit.

Il n’est pas un lieu de la terre où nous ne soyons entendus chaque jour davantage. L’Allemagne fait de sa volonté de tyranniser un article d’exportation. On dirait qu’ayant déjà monté au moins l’échafaudage de sa construction de l’Europe centrale, elle s’attache à en protéger les approches par une série d’ouvrages avancés. La Finlande, les États Scandinaves au Nord, la Hollande, et, dans ses arrière-pensées, la Belgique au Nord-Ouest, la Suisse à l’Ouest, les provinces baltiques de la Russie, les derniers lambeaux de la Pologne, l’Oukraine, la Roumanie au Sud-Est, sans préjuger de ce qu’elle médite au Sud et qui n’est encore qu’en projet, sont destinés par elle à garantir ses flancs, ou, pour user d’une autre image, sont autour d’elle comme les ballonnets d’une ceinture qui, sur les flots dont elle serait battue, lui permettraient de flotter. Après les autres, et plus sûrement que d’autres, parce que la nécessité l’aiguillonne, la Hollande et la Suisse viennent d’en faire à nouveau la pénible expérience. Elles ont appris, si elles ne le savaient pas, la complication de ses calculs égoïstes et subi la pression de ses convoitises brutales. Pour la Hollande, l’histoire est toute fraîche ; elle n’est que de l’autre quinzaine. Il a fallu, coule que coûte au plus faible, que l’Allemagne obtînt pour ses civils, qui ne seront souvent que des militaires déguisés, le passage sur le chemin de fer de Limbourg, au bout duquel elle vise, par-delà Anvers, les bouches de l’Escaut, et qu’elle s’assurât, sur les routes et les canaux, le transport de quantités illimitées de sables et de graviers, qui ne serviraient à rien, s’ils ne servaient à des travaux de guerre. Elle a, de la sorte, tiré, par violence et malgré eux, les Pays-Bas de leur neutralité. Nous l’avons dit ; ce que nous n’avons pas noté, ne pouvant que le deviner, c’est l’exécrable effort de tyrannie qu’elle y a employé, et la semence de haine ainsi enfouie au cœur d’un peuple fier qui ne s’est jamais résigné à marcher sous le fouet. À cette affaire hollandaise, l’affaire suisse, on l’a fait observer, est parfaitement symétrique. Et elle a été simultanée ; conformément à la stratégie allemande, ç’a été encore, contre nous, une attaque aux ailes.

L’Allemagne, qui fournissait à la Suisse 160 000 tonnes de charbon par mois, et qui semblait ne pas y perdre, a subitement émis la