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correspondance avec les siens. Les éléments d’un livre sont là, tout trouvés, et de même qu’un soldat s’est greffé sur le civil, un chroniqueur de la guerre se greffe un jour sur le soldat.

Certes, ces livres de guerre sont d’une valeur bien inégale. Ne regrettons pas leur abondance. Même les médiocres ont cette vertu d’avoir été rédigés d’après nature. Nous leur devons de participer du moins en esprit à l’héroïque martyre des innombrables sacrifiés qui nous sauvent, nous, la France d’aujourd’hui, et nos petits-neveux, la France de l’avenir. À ces narrateurs de la Marne, de l’Yser, d’Ypres, de la Champagne, il faudrait savoir gré, quand leurs écrits ne serviraient qu’à nous imposer un respect plus ému et plus reconnaissant pour les survivants d’une défense qui a renouvelé, quatre ans durant, l’exploit des Thermopyles : « Passant, va dire à Sparte… » Chacun de ces narrateurs est à la fois le Spartiate des Thermopyles et ce passant-là, dans lequel l’épitaphe antique saluait un messager de l’honneur national. Et puis, il arrive que ce soldat qui témoigne pour ses frères de tranchée, et pour lui-même, est un écrivain de race. Alors ces feuillets où il a consigné ses souvenirs, au fond d’une cagna quelquefois entre deux assauts, sur une table d’hôpital d’autres fois, entre deux pansements, au dépôt entre deux citations, deviennent une œuvre, au sens plein du mot, et qui prendra rang dans la série des beaux livres laissés par nos mémorialistes, une des fiertés aussi de notre tradition française.


II

Dans la mesure où de pareilles affirmations sont permises, je crois bien que tel est le cas pour les pages que l’on va lire. Elles portent simplement comme titre : Verdun — mars, avril, mai 1916. Leur auteur était sous-lieutenant dans un des régiments d’infanterie qui, pendant ces mois tragiques, ont contenu, puis repoussé la ruée allemande. Il a fini de mettre ces notes au clair à l’hôpital maritime de Brest, où il était en traitement, un an plus tard. Il les a datées de mai 1917. Le 26 août suivant, il se retrouvait devant ce même Verdun.

C’était à l’aube. Sa section devait attaquer à cinq heures. Quelques instants avant le signal, l’officier donnait à ses hommes ses dernières instructions qu’un d’entre eux a