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On a vu comme George Sand se préoccupait du mariage de son directeur. Est-ce un mariage d’amour ? Qui est en jeu, Cupidon ou Plutus ? F. Buloz fait-il sa cour à Genève, ou soupire-t-il à Paris, et si fort, que ses soupirs font tourner tous les moulins de Montmartre ? Qui donc a dit à George que la jeune fille s’appelait Margarita ? Elle n’en sait rien ; en réalité la fiancée se nomme Christine, elle est la fille de Castil Blaze, et c’est en accueillant à la Revue son frère Henri, que F. Buloz connut cette famille.

En 1834, Alexandre Dumas remit au directeur de la Revue une petite comédie en vers, « Le Souper chez le commandeur, » L’auteur, un tout jeune homme, était le fils de Castil Blaze, rédacteur musical aux Débats. Aurait il quelque chance d’être reçu à la Revue, ce jeune homme ? Dumas le protégeait.

Buloz lut la pièce, et fit venir le débutant.

— Votre poème est à l’impression, lui dit-il. Vous allez en recevoir les épreuves, mais il ajoute : Il vous faudra signer d’un pseudonyme.

— Pourquoi ?

— Parce que vous êtes vraiment trop jeune !

Et il le baptise sur-le-champ : « Hans Werner. » Voilà le jeune Blaze ravi, et orgueilleux, certes : il est rédacteur de la Revue, et il n’a que vingt ans !

Après cela, les deux hommes se lièrent d’amitié. Quelle différence de nature, pourtant, entre le brillant, paradoxal Henri Blaze, et le taciturne travailleur qu’était F. Buloz ; mais l’amitié trouve son compte à ces contrastes, sans doute.

Bientôt à Blaze attira F. Buloz dans sa famille. Elle habitait alors Paris, mais était originaire de Provence. Ses membres avaient naguère servi les papes d’Avignon. « Ils furent leurs camerlingues et leurs soldats[1]. » Ils n’avaient guère depuis quitté leur Provence : le père de Castil Blaze, Sébastien, fut, après le 9 thermidor, administrateur du département de Vaucluse.

F. Buloz connut les filles de Castil Blaze, Christine et Rosalie. Il aima l’aînée, songea à l’épouser. Sa demande au

  1. H. Blaze, Mes souvenirs, il dit aussi « Fernand Blaze gagna la bataille de Macerata, qui valut a Grégoire XI d’être réintégré à Rome. »