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Buloz en août… Je vous en faciliterai les moyens. » Mais il ne s’agit pas pour elle de prendre les eaux, et déjà en novembre elle avait écrit à Mme Buloz :

« J’ai de grands projets de voyage, et il me faut à tout prix de l’argent comptant. Je me détériore en France. Le froid des hivers me tue, la vie de Nohant est trop douce et trop calme pour le mouvement de ma bête. Il me faut revoir l’Italie, — l’Italie ou la mort, — et je dirai à Buloz : la bourse ou la vie[1]. »

Après la grande crise de l’hiver 1834-35, George Sand avait trouvé à Nohant, à sa vie paisible, aux campagnes tranquilles, la douceur des séjours d’autrefois, et puis elle eut à reconquérir Nohant sur l’ennemi, — l’ennemi c’était M. D. — et quand elle l’eut reconquis, elle goûta encore plus d’une joie. Mais tout cela est trop doux et trop calme, et, pendant le séjour à Nohant de Liszt et de la belle Arabella, l’insatiable George Sand n’a-t-elle pas écrit : « Mon Dieu, ne trouverai-je jamais personne qui vaille la peine d’être haï ? faites-moi cette grâce, je ne vous demanderai plus de me faire trouver celui qui mériterait d’être aimé. » L’ardeur de ses nuits de travail, ses promenades sur les routes le long des rives vertes de l’Indre, où elle se plonge tout habillée l’été, le soleil d’août, rien n’apaise, comme elle dit, le mouvement de sa bête : il lui faudra voyager, voir de nouveaux pays, courir de nouveau les chances hasardeuses de la passion. (le n’est d’ailleurs ni avec Michel, qu’elle n’aime plus, ni avec Mallefille qu’elle s’embarquera. Elle aura, elle aussi, comme Arabella, son musicien de génie, et c’est pour Majorque, que dans quelques mois, son navire fera voile.


MARIE-LOUISE PAILLERON.

  1. 27 novembre 1837, inédite.