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fixer à après-demain mercredi la prochaine séance et de mettre à son ordre du jour :

1° La troisième délibération sur la proposition du député Schultze et consorts ;

2° La délibération d’une proposition qui vient de m’être remise pendant la séance par lus députés Teutsch et docteur Raess. Cette proposition sera dès aujourd’hui imprimée et distribuée ; elle pourrait, par conséquent, entrer en discussion après-demain, mercredi, comme troisième jour après sa distribution[1]. »

Quelle hâte pour l’impression et la distribution de ce document ! C’est dans la journée même que tout devait être fait ; or, il était environ cinq heures du soir.

Le délai officiel de trois jours réglé comme on l’a vu par le président s’étant rapidement écoulé, le mercredi 18 février eut lieu enfin la séance si impatiemment attendue du public. Tout Berlin, ce jour-là, était en mouvement. Dans la Leipzigerstrasse, aux abords du Reichstag, la foule se pressait, et, sur le trottoir, les marchands de billets faisaient des affaires d’or. La vertueuse incorruptibilité de tout fonctionnaire allemand est proverbiale ; les cartes de tribune distribuées par les soins du bureau du Reichstag se vendaient couramment 20 et 25 thalers (60 et 75 francs) dans la rue[2].

« Dans les tribunes, raconte un témoin oculaire (le correspondant de la Frankfurter Zeitung), la foule était tellement compacte qu’on n’apercevait partout que des têtes serrées les unes contre les autres. Dans les couloirs, impossible de circuler, la multitude se pressait même hors de l’édifice jusque dans la Leipzigerstrasse[3]. »

Toutes les élégances féminines de Berlin s’étaient donné là rendez-vous. Que de toilettes ! Que de couleurs ! Que de bruit ! Telles les foules antiques attendaient, autour du cirque, l’entrée des victimes dans l’arène. Or, ce jour-là, spectacle bien plus passionnant encore, c’est du sacrifice d’un peuple entier qu’il était question. Avec une curiosité hostile, étaient attendus les députés alsaciens-lorrains, et le geste prévu de leur part était celui du gladiateur terrassé implorant la clémence de César.

  1. Stenographische Berichte des deutschen Reichstages.
  2. Le Monde, 8 mars 1874. Correspondance d’Allemagne.
  3. Cité par Le Monde, 23-24 février.