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annexion à l’Empire d’Allemagne… De par le droit du plus fort, les hommes libres qui peuplent l’Alsace-Lorraine sont — tel un troupeau aux mains des marchands — devenus le prix de la rançon de la France[1]… » En Lorraine, dans la circonscription de Sarreguemines et Forbach, M. Pougnet, candidat catholique, disait : « Notre pays, depuis les malheurs qui l’ont frappé, va pouvoir enfin protester contre son annexion à l’Allemagne… Animé des mêmes sentimens de patriotisme et de foi catholique que vous, mes chers concitoyens, je marcherai, fier de vos suffrages, dans la voie du devoir que je me suis tracée[2]. » Aux habitans des cantons de Thionville et Boulay, M. Ch. Abel, candidat libéral, disait : « Habitans de la Moselle et de la Nied, l’Allemagne croit que c’est de votre plein gré que vous avez cessé d’être Français. Est-ce vrai ? C’est ce qu’il s’agit d’aller dire à Berlin…[3] » Et pour Sarrebourg et Château-Salins, le candidat catholique, M. Ch. Germain : « Il importe avant tout à notre dignité d’hommes et de concitoyens de réclamer hautement le droit qui appartient à chaque peuple d’être consulté sur la question de sa nationalité[4]. »

Parmi les catholiques, quelques électeurs demeuraient hésitans, craignant, en prenant part au vote, de paraître accepter le fait accompli. À ce scrupule répondit cet éloquent appel, reproduit en France par le journal l’Univers : « Aux Alsaciens ! Pas d’abstention pour les élections ! Un grand nombre d’Alsaciens, surtout parmi les habitans du Haut-Rhin, pensent faire acte de patriotisme en s’éloignant de l’urne électorale pour le Reichstag. Je crois qu’ils se trompent au grand détriment de la cause catholique et française… Et pourquoi nous abstiendrions-nous ? « Parce que, me répond-on, en « allant voter, je fais acte de citoyen allemand, parce que j’use « d’un privilège que me donne M. de Bismarck. »… Comment ! M. de Bismarck vous met dans les mains le moyen de protester contre ses tyrannies, contre l’annexion, et vous ne voulez pas en user !… N’avez-vous pas l’exemple des députés Hanovriens et Danois… de Krüger et de Windthorst ?[5] »

Au milieu des luttes ardentes du Kulturkampf’, la question religieuse prenait dans les élections une importance toute

  1. Reproduit par le Temps, 15 janvier.
  2. Le Temps, mardi 27 janvier.
  3. Le Temps, mardi 27 janvier.
  4. Le Temps, mardi 27 janvier.
  5. L’Univers, 11 janvier.