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reste, par sa nature même, avait à peine besoin de l’être. C’était surtout, si je puis dire, installer le problème moral au cœur même de l’étude littéraire. Vers le même temps, Emile Faguet poursuivait une vaste enquête, plus fragmentaire et plus capricieusement conduite, sur les Politiques et Moralistes du XIXe siècle ; il y a plus de « littérature » en bordure de celle de Brunetière ; au fond, c’est bien le même dessein ; et on l’aurait vu sans doute plus clairement encore, si Ferdinand Brunetière, après avoir professé son cours, avait pu le rédiger lui-même.

On conçoit sans peine ce qu’une pareille façon de comprendre et de traiter un tel sujet met de vie dans un enseignement. Que devons-nous croire ? Et comment devons-nous vivre ? À cette question centrale il s’agit de savoir comment ont répondu tour à tour tous les grands écrivains du XIXe siècle. Et ainsi, toute l’histoire de la littérature de ce tumultueux XIXe siècle se ramène à celle d’un vaste drame de conscience collective dont on nous retrace les péripéties successives. Et comme l’historien est engagé lui aussi dans la mêlée des idées, comme il est juge et partie, comme il cherche pour son propre compte, comme il n’a pas encore définitivement parié, presque à son insu il se mêle à son exposition je ne sais quel frémissement intérieur qui en redouble et en diversifie l’intérêt.


Dira-t-on que cet intérêt dramatique et moral nuit à l’intérêt proprement littéraire d’une enquête dont la littérature est, après tout, l’objet annoncé et avoué ? Et au nom du principe de la « distinction des genres, » opposera-t-on à la méthode employée par l’historien une sorte d’objection préalable ? On pourrait tout d’abord répondre que si le principe et la fin de l’action littéraire doivent être cherchés en dehors, — et au-dessus, — de la littérature, cela est sans doute un peu fâcheux pour les purs littérateurs à l’ancienne mode, mais qu’on ne saurait leur sacrifier les droits de la vérité. D’autre part, à suivre dans le détail l’application de la méthode proposée par Brunetière, on s’aperçoit qu’elle est remarquablement féconde, et qu’à vrai dire aucune autre ne permet un classement aussi logique, aussi satisfaisant à tous égards, des écrivains et des œuvres.

Pénétré de l’esprit classique, le XVIIIe siècle avait, dans