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déclaration de guerre, pour avoir idée de l’aspect que présente Washington le 29 août 1916 et les jours qui suivent.

Les journaux, dont les éditions se succèdent, sont pleins des nouvelles du coulage. Les quelques détails, que donnent les premières dépêches, venues d’Angleterre, sont commentés à l’infini. On compte le nombre des vies perdues. On s’indigne que les Américains soient parmi les manquants. On rappelle les textes, les phrases les plus décisives des notes présidentielles qui ont précédé. On fait valoir les chances minimes qu’elles laissent pour un arrangement pacifique et celles très fortes qui sont pour la guerre. Les commentaires sont partout au pire. Dans les bureaux du State Department, dans les squares, dans les rues, les figures sont assombries : les expressions des visages sont crispées. Un souffle d’angoisse semble avoir passé sur la capitale et qui va, du jour au lendemain, s’étendre à tout le pays.

De l’ambassadeur d’Allemagne pas une explication, aucun signe de vie. A l’ambassade même, le personnel a pour consigne de tout ignorer. Aux innombrables reporters, accourus dès la première heure, la même réponse est faite : « Son Excellence n’est pas là… Son Excellence voyage… On ne sait actuellement où est Son Excellence… On ne peut dire, on ignore quand Son Excellence sera de retour… »

Le 21 août la situation est regardée partout comme exceptionnellement grave. Une seule circonstance, au dire des plus hautes autorités, pourrait encore la sauver. Il faudrait qu’il fût prouvé que l’Arabic n’a pas été torpillé sans avertissement. Cette circonstance, pourtant, paraît, aux premières nouvelles, devoir être écartée. La presse de son côté rappelle que le Président, dans sa dernière note, n’a pas seulement envisagé l’éventualité de rupture avec l’Allemagne en cas de pertes de vies américaines, mais a nettement stipulé que le simple fait « d’exposer les vies des non-combattants » serait considéré par lui comme a deliberately unfriendly act. Tous les premiers détails semblent montrer que c’est actuellement le cas. A la bourse de New-York, de lourdes ventes s’opèrent : le pessimisme est général.

Le 22 août, les détails du coulage, qui commencent à être connus, diminuent l’espoir que l’Arabic ait reçu avertissement avant le torpillage. La révolte dans la majorité de la presse et une grande partie du public s’accentue.