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États-Unis, » et que reproduisent ou exagèrent les journaux locaux. C’est un air de succès, de triomphe qui paraît maintenant sur tous les visages, dans les rues, au club, dans les salons.

Et, en même temps qu’on se félicite que les États-Unis aient ainsi courbé la volonté de l’Allemagne, on se plaît à reconnaître la bonne volonté, le désir de conciliation de l’ambassadeur allemand. On rend hommage à son savoir-faire, à son tact, à sa délicatesse. C’est l’adversaire d’hier à qui, le duel terminé, on éprouve le besoin de serrer la main, dont on vante le courage, la loyauté, et dont on veut faire son ami…

On ne va pas jusqu’à proclamer ouvertement que c’est lui qui a sauvé la situation. Mais déjà les pacifistes en conviennent entre eux : et les renseignés, qui, dans les moments de crise, sont les trois quarts du public, le laissent entendre et le croient. L’ambassadeur apparaît désormais comme celui sur qui on pourra compter plus tard. Il est véritablement l’homme du jour et de demain.


BERNSTORFF ET LES COMPLOTS ALLEMANDS

Durant toute la période qui s’étend d’octobre 1915 à fin mars 1916, l’ambassadeur, satisfait du rôle qu’on lui attribue et de la réputation de médiateur qu’il s’est acquise, — de la façon que nous venons de voir, — paraît décidé à jouer publiquement ce rôle et semble s’appliquer surtout à mériter cette réputation. Trois complots se découvrent presque simultanément. C’est d’abord celui des Allemands, Bresting, Fay, Scholz, Dresche et Kienzel, porteurs de plans et instructions pour détruire les vaisseaux transportant des munitions aux Alliés ; puis c’est l’assassinat du banquier de Chicago ayant contrat pour leur fournir ces munitions : enfin, c’est le complot von Rintelen, agent financier d’Allemagne, qui fournit des subsides aux partisans de Huerta pour créer au Mexique un mouvement contre les États-Unis. L’ambassadeur déclare ignorer les premiers, s’indigne du second, dément officiellement le troisième. Lui-même et son action sont entièrement étrangers à ces faits : qui en douterait ? Dans la conversation, dans les interviews, pas un instant il ne paraît seulement soupçonner qu’on puisse le mettre en cause, peut-être le rendre responsable !…

C’est de même qu’il ignorera, un mois plus tard, l’affaire de