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lors de l’Arabic, il a reçu de son gouvernement les assurances et l’autorité qu’il demandait. L’acceptation implicite et sans clameur, sinon sans rancœur, de l’ultimatum de l’Amérique par l’Allemagne est, pour l’ambassadeur, une autre et plus brillante « victoire diplomatique, » qui, si elle frustre l’Allemagne et l’orgueil allemand, donne pleine satisfaction à sa vanité autant qu’à ses projets.


PENDANT LA CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE

L’affaire du Sussex, terminée tant bien que mal, toute l’activité de l’ambassadeur allemand se reporte maintenant sur la campagne présidentielle qui vient de s’ouvrir. Celle activité, bien entendu, reste occulte ; il serait vain d’en chercher les effets ici plutôt que là : elle se manifeste partout.

C’est alors une sorte de duel obscur, sans merci, et dans la manière particulièrement chère à l’ambassadeur, entre le Président des Etats-Unis et le représentant du Gouvernement Impérial. Le second a compris, bien avant ses compatriotes, l’amplitude et la sûreté du jugement, la ténacité de volonté du Président, et enfin ses rares qualités d’homme d’Etat. Il est assuré qu’à le renverser, il sert la cause allemande mieux que ne le pourrait faire la plus importante victoire sur le champ de bataille. Il n’ignore pas qu’il sert autant ou davantage ses intérêts propres et quelle prénommée sera la sienne s’il réussit. Il y met désormais son point d’honneur et tout son effort.

Il serait certes intéressant et il ne serait pas inutile de suivre pas à pas les marches et contre-marches, les avances et les reculs, les attaques et les contre-attaques qui n’ont cessé de marquer, au cours de cette campagne, le jeu sans cesse surveillé et singulièrement serré du Président des Etats-Unis et de l’ambassadeur allemand. Autant M. Wilson déploiera d’énergie et de sûreté de vues, autant le second lui opposera d’astuce et d’inlassable perfidie.

L’ambassadeur ne cesse pas de tenir en mains toutes les forces, afin de faire donner les réserves au moment où l’adversaire, ou lui parait mal engagé, ou faiblit. Soit qu’il offre son appui et le vote allemand au parti républicain qui se récuse et le rebute ; soit qu’il paraisse appuyer le Président qui fait sa campagne sur le tic/cet pacifiste, et qu’en fait il essaye de lui