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du World et les papiers von Igel, le Président aurait eu les informations reçues d’Allemagne et de l’ambassadeur des États-Unis à Berlin.

Or, de ces informations il ressortait fort clairement que l’Allemagne n’était rien moins que disposée à tenir les engagements pris par elle lors de l’affaire du Sussex. Les rapports de l’attaché naval, Commodore Ghérardi, venaient de faire connaître en effet que l’Allemagne faisait pousser la construction de soixante-dix à quatre-vingts sous-marins d’un type nouveau, tout particulièrement grand et puissant. D’autre part, dans les milieux informés allemands on ne faisait point du tout mystère que la guerre sous-marine allait être reprise. On allait jusqu’à s’en réjouir ouvertement.

Enfin, et en dépit des demandes réitérées du département d’État, aucune réponse ne pouvait être obtenue ni de l’ambassadeur Bernstorff, ni de la Wilhelmstrasse, au sujet de la punition qui avait été réclamée et qui devait être infligée au commandant du sous-marin qui avait coulé. Une information officieuse avait fait connaître au contraire que l’officier, qui portait déjà la croix de fer, avait reçu, depuis le coulage, à cause du coulage, « l’ordre pour le mérite, » la plus haute distinction que pouvait accorder le Kaiser.


LES SIGNES PRÉCURSEURS DE LA RUPTURE

Dès les premiers jours de décembre, il devenait évident pour le Président et pour la majorité du Cabinet américain qu’il serait impossible de ne pas suivre la ligne de conduite prévue par la note de mai et de ne point en arriver finalement à la rupture des relations avec l’Allemagne.

La crise devint si aiguë, vers le 8 décembre, que le Président envisagea l’envoi d’un manifeste demandant aux belligérants de stipuler leurs buts de guerre, afin de porter les informations reçues à la connaissance de tous les États-Unis. Le manifeste, dans la pensée du Président, devait être un avertissement au peuple américain et au monde que les États-Unis, se voyant en péril d’être entraînés dans la guerre, désiraient connaître les buts des belligérants pour fixer ensuite le sens de leur propre action.

L’ambassadeur, dès qu’il eut connaissance de ce projet,