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demain notre vie économique, la conception belliqueuse et la pacifique, quelle est la meilleure. Nous venons d’avoir, et nous avons en effet dans la Russie bolchevik, le tableau de ce que peut donner la suppression brutale des grands facteurs industriels, l’abolition de hiérarchie, la lutte des classes et l’égalitarisme collectiviste. On a. vu que, malgré l’élévation prodigieuse des salaires, ce système aboutit rapidement au néant industriel, à la misère, à la disette de-tout. Chose navrante et d’ailleurs prévue, ce système a surtout abouti à l’abaissement de toutes les valeurs intellectuelles : il a suffi. là-bas d’avoir ce capital heureusement inaliénable qui s’appelle l’instruction, la science, la valeur technique, pour être réduit ai moins que le plus crasseux des illettrés. Tandis que ceux-ci dirigent les-usines, les professeurs, les savants, les avocats, les médecins gagnent péniblement leur vie, comme balayeurs, lorsqu’on veut bien les accepter dans cette fonction qu’ils remplissent d’ailleurs fort mal. Évidemment, ce régime est un véritable critérium pour la sincérité des vocations scientifiques et intellectuelles, et seuls se consacreront désormais là-bas à ces choses ceux qui les aimeront jusqu’au sacrifice.

En face, la République américaine nous montre ce que peut donner l’autre système : ses trusts, ses formidables concentrations de production industrielle amenées par le libre jeu de la liberté, non seulement n’ont pas ruiné le peuple, et notamment cette partie du peuple qu’on appelle la « classe ouvrière, » mais ils lui ont procuré une aisance, un confort sans précédents, si bien qu’aujourd’hui c’est la minorité des ouvriers d’usine qui là-bas n’a pas encore sa maison… et même son automobile. La classe ouvrière américaine a si bien--conscience de ces avantages et de sa solidarité avec toutes les classes des États-Unis qu’elle n’a pas hésité à prendre, dans la guerre actuelle, l’attitude que chacun connaît, qui l’honore… et qui étonne un peu certains métaphysiciens de la physique sociale, de l’autre côté de-l’Atlantique.

Le gouvernement allemand, qui a compris la leçon de ces choses, réserve les luttes de la concurrence vitale, uniquement pour l’exportation, se gardant bien d’affaiblir chez lui les fortes concentrations… industrielles.

Pour ce qui concerne notamment les industries chimiques, qui sont notre sujet, non seulement il n’a rien fait pour paralyser les consortiums déjà si puissants avant la guerre, mais il a entrepris, — depuis la troisième année de guerre, — j’emprunte ces renseignements à la Neue Zürcher Zeitung et au Chemical Trade Journal, — la