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À cette lettre, F. Buloz répond sans retard :

« Je ne veux pas tarder d’un jour à répondre à votre aimable lettre, et je vais tâcher de le faire avec un calme parfait, sans m’arrêter à l’aigreur que vous me témoignez, et aux insinuations injurieuses que vous n’hésitez pas à m’adresser. Je ne sais en vérité sur quelle herbe vous avez marché pour m’écrire de pareilles choses sans aucune espèce de raison.

« De quoi vous plaignez-vous donc ? Vous me traitez comme votre débiteur ; mais le suis-je en effet ? Voyons ensemble, je vous prie. (Du compte établi par Buloz il résulte qu’il n’est nullement son débiteur, au contraire.) Ainsi en sept mois je vous ai compté 17 500 francs[1]. Est-ce là faire un triste accueil à vos manuscrits ? Vous vous plaignez que je n’aie pas demandé le manuscrit que vous avez, mais ne m’aviez-vous pas écrit qu’il était en route, que vous m’enverriez des lettres de Palma, et cela est-il arrivé ?

« Tout ce que j’ai signé, je le tiendrai, je vous demande seulement la réciprocité.

« Je ne sais qui vous monte, et qui vous écoutez pour en venir à me traiter, comme vous le faites. Mais ce qui précède, doit vous prouver que vous n’avez pas toujours trouvé fermée la caisse du petit négociant dont vous parlez ; au reste, je n’ai nulle prétention à être un grand négociant, c’est un honneur dont je me passerai bien. Je n’ai pas non plus plusieurs cordes à mon arc, comme vous le dites avec votre bienveillance ordinaire ; je n’en ai qu’une : celle du travail, modeste, pénible et honnête, qui est loin de me rapporter ce que vous croyez, mais qui, avec mes goûts simples et républicains (démocrate en cela seulement), me donnera toujours l’avantage sur vous, grands gargantuas, qui dépensez avec tant d’imprévoyance et de folie les magnifiques revenus de votre cerveau.

« Vous me reprochez aussi de ne pas avoir tout l’argent qu’il vous faut ; à cela je réponds : il est vrai, mais je suis loin de vous en devoir…

  1. George Sand a reçu pour les Sept Cordes de la Lyre au lieu de 5 000 francs qu’elle avait demandés, 6 000 francs en octobre, « sur une simple demande de vous à cause des ajoutés que je vous ai fait payer pour l’édition des œuvres complètes, » pour la publication de Lélia, 7 500 francs, et pour Gabriel elle a demandé 4 000 francs, soit 17 600 francs en sept mois.