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amèrement la Renaissance et Mlle Dorval. Quand vous me ferez croire que celle-là n’est pas de force à jouer un rôle que peut jouer Mlle Plessy, qui a la réputation de la première grimacière du monde, vous serez bien habile. Cette lettre est entre nous deux, mais ma décision est prise : je veux voir

« Je viens d’être horriblement malade d’un empoisonnement de tomates. Dieu vous préserve des tomates ! Je suis encore sur les dents, je n’ai pas la force d’écrire des lettres et je ne vois pas en beau l’avenir de ma pièce. Faites ce que vous jugerez convenable avec Charles Maurice. Quant à moi, je ne me mêle pas des cabales et des cabaleurs, c’est à vous de les expulser de la salle, et de m’en préserver par tous les moyens, mais je n’en veux rien savoir.

« Vous ne me dites pas si vous avez fait un bon voyage, si ma petite Christine et son cher Paul sont arrivés en bonne santé. Embrassez-les bien pour moi.

« Tout à vous de cœur.

« GEORGE[1]. »


Après cela Mlle Mars est abandonnée, et c’est Mme Dorval que George désire : pourtant, Mlle Mars se serait volontiers chargée du rôle, aucun ne lui paraissant trop jeune. On se souvient que lorsque Scribe lui apporta la Grand’Mère, qu’imprudemment il avait écrite pour elle, l’actrice dit ingénument : « Le rôle de Cécile me va, mais qui jouera la grand’mère ? » Enfin, après une démarche de George Sand auprès du ministre Duchâtel, Dorval est engagée, et George Sand écrit à Hippolyte Chatiron : « J’ai renversé toutes les barrières et j’ai fait entrer Mme Dorval, qui n’en est pas plus contente pour cela. »

La pièce est distribuée, laborieusement, mais les répétitions ne sont pas encore commencées le 15 janvier. L’auteur se plaint amèrement de ces retards, dont elle accuse F. Buloz, — naturellement : « Quant à ma pièce aux Français, je vous prie de suspendre tout préparatif et de m’en faire rendre le manuscrit. M. Lockroy quitte le théâtre prétextant une maladie ; je vois qu’il y a là contre moi des intrigues avec lesquelles je ne veux pas me commettre. Ma tentative aux Français était impossible…[2] » Elle veut aussi aller trouver M. Duchâtel de

  1. Inédite.
  2. 15 janvier 1840. Correspondance inédite.