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anglo-belge, qui n’aurait produit ses effets, — le texte du rapport Ducarne le dit formellement, — qu’après la violation de notre neutralité par les troupes du kaiser, nos gouvernants ont été sagement inspirés en évitant toute conversation, tout aparté sur ce sujet, avec qui que ce fût. Au surplus, l’idée n’est jamais venue à une grande Puissance de nous proposer une alliance défensive, quelque acceptable qu’elle pût être.

Si le gouvernement belge n’avait pas été si confiant, parce qu’il était lui-même si loyal, peut-être qu’il aurait songé à s’entourer, pour consolider sa neutralité, d’un triple rang de conventions et de contre-assurances militaires, conclues séparément avec ses trois grands voisins. L’Allemagne, pour sa part, y aurait volontiers consenti ; mais c’eût été un excès de prudence, que nous ne devons pas regretter. Le cabinet de Berlin n’aurait pas manqué de se prévaloir d’un accord de cette nature pour justifier l’entrée de son armée dans notre pays, qu’elle serait venue sauver d’une invasion française imaginaire, comme l’ultimatum du 2 août a essayé de le faire croire.

Sur le terrain commercial certaines entraves existaient aussi à une indépendance absolue. Il était impossible à la Belgique de contracter une union douanière avec l’un de ses garants, l’intérêt national l’eût-il exigé. Quand la proposition en fut agitée entre les cabinets de Paris et de Bruxelles, durant le règne de Louis-Philippe, elle rencontra l’opposition de l’Angleterre. Une guerre douanière était-elle aussi au nombre des pratiques, à nous interdites par la Faculté de Droit international ? En principe certainement non, mais en fait il en était autrement. L’Etat garant et voisin, contre lequel nous aurions voulu user, le cas échéant, de cette arme, n’eût pas manqué de protester et de mener un tel tapage que le bruit eu aurait effrayé nos ministres, amis de la tranquillité.


L’Allemagne parle de nous passer au cou le collier de fer d’une neutralité de son invention : une neutralité désarmée, qui nous enlèverait la faculté de nous défendre contre toute agression étrangère, qui nous forcerait à licencier nos soldats et à raser nos forteresses. L’Allemagne nous permettrait-elle une modeste gendarmerie nationale, gardienne de l’ordre et de