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Les faits étant ainsi brièvement rappelés, il faut les accompagner de quelques observations, sans quoi ils se présentent sous un jour faux qui les dénature et les déforme aux yeux des étrangers.

En premier lieu, on ne s’explique pas les longs efforts des propagandistes flamingants pour convertir à leur cause notre Parlement, dès lors que la population flamande compte un million d’âmes de plus que la wallonne et que ses élus étaient en majorité dans les deux Chambres. C’est que les classes supérieures, noblesse et bourgeoisie, se sont toujours tenues à l’écart de l’agitation flamingante, quand elles ne lui ont pas été ouvertement hostiles, et que leur influence, qu’on ne doit pas mésestimer, s’étend sur une large clientèle. Le flamingantisme n’en était pas moins un mouvement démocratique d’une grande puissance, assuré de triompher, conduit par des chefs convaincus de leur bon droit et par des agents infatigables, parmi lesquels les membres du clergé inférieur dépensaient pour la propagande flamande la même ardeur que pour la défense de la religion.

Mais ces chefs ne visaient que le redressement d’anciens griefs. Ils luttaient à visage découvert ; ils ne poursuivaient pas un dessein secret, celui de semer la division dans le pays, en vue de l’acculer un jour à la séparation. Leurs attaques n’étaient poussées ni contre les Wallons, ni contre l’Etat belge, mais contre leurs propres frères, affublés du sobriquet de Fransquillons, parce qu’ils restaient fidèles à une autre culture. Les Flamingants plaçaient leur idéal d’émancipation dans le cadre de la patrie commune. Ils voulaient raffermir les fondements de l’édifice national, mal établis sur une inégalité entre les deux langues, existant sinon en droit, du moins en fait. Ils n’aspiraient qu’à une union fraternelle avec les Wallons. Je n’en veux pour preuve que le témoignage des représentants des villes flamandes, des puissantes associations littéraires et politiques, ainsi que des groupements ouvriers, affiliés au mouvement. Dans un document historique, aussi remarquable par le souffle patriotique qui l’emplit que par la fierté qui l’anime, ces Flamands disaient au Chancelier de l’Empire allemand, après qu’il eut reçu à Berlin une députation du soi-disant Conseil de