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émus de vider un verre de bière avec Son Excellence le chancelier.

Viennent les événements à débarrasser les diplomates de la tutelle des pangermanistes et des militaires, le chancelier sera prêt à immoler les activistes au gouvernement, du Havre en échange de bonnes garanties politiques et de bonnes concessions commerciales. Mais il demanderait que la question flamande fût discutée au Congrès de la Paix ; il essaierait de sauver les débris de l’œuvre morbide entreprise par les gouverneurs de la Belgique ; il arguerait hypocritement de la parenté de l’Allemagne avec ses petits-cousins germaniques et de l’intérêt que la guerre a réveillé dans son cœur maternel à leur endroit.

Les activistes subissent dès à présent la loi commune à tous les révolutionnaires : ils sont en train de se diviser. Le soviet du Conseil des Flandres compte déjà des modérés et des extrémistes ; il a ses Girondins, les unionistes, qui ne veulent pas briser tout lien avec la Wallonie, et ses Jacobins, les jeunes Flamands, qui poursuivent la chimère d’un État de Flandre, monarchique ou républicain, mais indépendant. Entre ces deux groupes louvoient les opinions intermédiaires. Attendons-nous aux résolutions les plus osées contre l’unité nationale, le gouvernement belge et la Maison royale, car les violents finiront bien par l’emporter dans cette parodie d’émancipation, qui se joue sous l’œil ironique de la police allemande. Elle protège en Flandre les activistes, comme elle a soudoyé en Russie les bolcheviks, en se réservant de mettre le holà à leurs ébats, quand l’œuvre de décomposition politique et sociale sera suffisamment avancée.

Nos frères de la Belgique envahie s’étonnent de l’importance attachée au dehors à l’activisme. Quant à eux, ils le méprisent comme un suppôt de l’Allemagne. Gardons-nous donc de le grandir hors de proportions et de nous inquiéter outre mesure de ses agissements. Nous aurons quand même à laver les traces de son passage dans notre histoire intérieure, en même temps que nous effacerons celles laissées par l’invasion.


En protégeant l’activisme flamand, l’Allemagne comptait faire coup double : donner naissance par surcroit à un