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eux-mêmes des gaz asphyxiants de la culture allemande l’établissement supérieur, que déshonore la protection insolente de l’aigle impériale ; ils désinfecteront les salles, souillées par la présence des maîtres qui sont les valets du germanisme ; ils feront table rase et maison nette.

De la séparation administrative ils ne veulent à aucun prix. Ils savent bien que, sous une étiquette belge, sous une appellation purement géographique, cette séparation créerait en réalité deux moitiés d’État, trop faibles, l’une et l’autre, pour mener une existence individuelle, dans un siècle où la vie des États moyens eux-mêmes est menacée par le colosse germanique. En se complétant mutuellement, en associant leurs dons personnels, volonté persévérante chez les uns, initiative hardie chez les autres, Flamands et Wallons ont fait belle figure de par le monde. Il n’a fallu rien moins que les misères de l’invasion et les intrigues allemandes pour développer des idées séparatistes dans quelques cerveaux malades. Voilà où aboutit un particularisme exagéré, mais le robuste bon sens, commun aux deux races, repousse la séparation administrative avec horreur.

Quelques publicistes flamingants préconisent tout de même deux ou trois ministères distincts. J’en vois bien le péril, qui serait de s’engager par un chemin détourné dans l’ornière de la séparation, mais nullement l’utilité. L’unité nationale ne serait qu’un mot vide sans l’unité de direction, laquelle a son siège dans la capitale. Nos amis les Suisses l’ont bien compris, qui, pour administrer un pays trilingue, ont un gouvernement fédéral unique et des départements ministériels communs. Ne touchons pas au cerveau où se concentre la volonté directrice, avant de se répandre dans tous les membres du corps social. Ne suffirait-il pas, en vue de faciliter l’égalité linguistique, de n’admettre graduellement à l’avenir dans les administrations centrales de l’État que des fonctionnaires connaissant bien le français et le flamand ? Cette sélection, si elle était réellement pratiquée, ferait tomber un des principaux griefs des Flamands. Ils ne se plaindraient plus du mauvais vouloir que certains fonctionnaires ministériels, parce qu’ils étaient sans doute unilingues, mettaient à appliquer dans leur ressort les lois votées par le Parlement, et qui donnaient quelques satisfactions aux revendications flamingantes.