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audacieux qui le publia d’abord fit faillite : simple coïncidence sans doute. L’éditeur avisé qui le reprit, une fois tombé dans le domaine public, en a tiré le meilleur parti. En 1908 parut l’Amore che torna : un noble Romain est aimé passionnément par une jeune fille à laquelle il s’est fiancé ; le mariage est pour lui une nécessité, car il est à la veille de la ruine et la jeune fille est riche. Il ne s’en éprend pas moins d’une aventurière qui finit par répondre à son amour ; tous deux partent pour Paris, elle pour monter sur les planches, lui pour la suivre ; et, comme l’argent manque, ce gentilhomme vit tantôt du jeu, tantôt d’expédients qui frisent la correctionnelle. Arrive la séparation, fatale en ces sortes d’amours. Il regagne l’Italie, retourne à celle qui l’aimait et qui l’aime toujours, l’épouse, redevient riche par le mariage. On voit suffisamment le genre : la vérité des caractères, la psychologie très poussée de deux femmes diversement aimantes, la désinvolture du récit, une certaine fraîcheur d’imagination, prêtent à cette donnée une grâce impudente et séduisante. En 1910, le plus-gros scandale et le plus gros succès : Colei che non si deve amare, celle qu’on n’a pas le droit d’aimer : livre singulièrement riche, vigoureux, heurté, et qui mériterait à lui seul une étude. En 1912, La vita incomincia domani. En 1915, La donna che inventa l’amore. Et puis Mimi Bluette, que nous voudrions examiner d’un peu plus près pour unir.


IV

Le roman commence comme un conte licencieux, et finit comme une idylle.

Il y avait une fois une Italienne, une, blonde, exquisement jolie, qu’un peintre qui la prit pour modèle appela Mimi Bluette, et le nom lui resta. Elle passe de mains en mains, plus semblable à un objet vénal qu’à une créature humaine. Un exploiteur la conduit à Paris, et là, elle sent s’éveiller en elle sa vocation, qui est d’être danseuse. Toute grâce et toute harmonie lorsqu’elle danse, elle conquiert la grande ville ; elle- devient l’artiste et la femme à la mode ; elle a bijoux, automobiles, maison ; financiers, industriels, ministres, se la disputent ; il y a même un de ses amants qui découvre qu’elle a un esprit, et qui la fait instruire. Jusqu’ici, elle n’a pas encore d’âme et se laisse emporter par le tourbillon de la vie.

On pense bien, que M. Guido da Verona, tel que nous le connaissons, ne se fait pas faute de décrire copieusement, jusqu’à satiété, le