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XVIII. — DE MONTDIDIER A L’AVRE

Penser qu’ils pourraient être brusquement arrêtés là eût été folie. En attendant que ses troupes arrivées lui permissent d’accepter la bataille, le général Debeney organise une ligne de repli destinée à former « l’ossature » de cette nouvelle bataille, sur la ligne de l’Avre, de Moreuil à Roye-Guerbigny ; sur celle ligne, les troupes qui vont débarquer, fatiguées par les longs trajets de chemin de fer et de camion, arrivant parfois sans artillerie et sans munitions, assez mal assurées sur leur droite où en quelque sorte la gauche Humbert cherche encore son terrain, sur leur gauche où le corps britannique tient peu au sien, pourront tenir ferme quelques jours, le temps qu’il faut pour qu’elles soient ravitaillées, renforcées, triplées. Ce sera leur tâche : se battant jour et nuit, ne reculant que pied à pied, ne se laissant pas arracher un lambeau de terrain sans essayer de le reprendre, ne se repliant que pour mieux se battre et souvent se relancer à l’assaut, les 56e et 133e divisions vont écrire une des pages glorieuses de notre histoire : elles seront pareilles à ces divisions que j’ai vues en avant de Verdun, dans les tragiques semaines de février et mars 1916, se faisant hacher pour assurer l’arrivée des grandes forces. Partout l’Allemand allait retrouver le soldat de Verdun. Commandant toute cette couverture, au-dessus des généraux Demetz (56e) et Valentin (133e), était placé un brillant et vaillant soldat, le général de Mitry, à cette date encore à la tête du 6e corps.

La division Demetz, accourue des cantons de Franche-Comté et d’Alsace, débarque, le 25, dans la vallée de la Noyé ; elle est incontinent poussée sur l’Avre et au-delà : le général Debeney a rejoint dès onze heures Demetz à Etelfay et y dicte lui-même ses ordres, — car il ne s’agit point de perdre une minute aux transmissions : la 56e organisera, sans tarder d’une heure, la rive Sud de l’Avre entre Roye et Pierrepont, en portant au Nord une avant-garde destinée à recueillir les éléments anglais qui se replient. Outre ses propres éléments débarqués, Demetz aura sous ses ordres la 5e division de cavalerie : celle-ci, depuis vingt-quatre heures, sous le général de la Tour, s’est épuisée à assurer la liaison entre la droite anglaise vers Guerbigny et la 22e division, gauche d’Humbert, qui vient d’évacuer