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de toute part, des divisions, des corps puissent quitter les secteurs que, d’Alsace en Champagne, naguère ils défendaient, pour arriver en quelques heures sur ce champ de bataille où contre eux vont se briser les formidables forces de l’Allemagne. Quant aux Anglais, ils continuent à prêter un concours précieux, quand on le peut diriger, mais intermittent et parfois incertain : vaillants soldats qui tiennent où on les a mis, mais qu’on ne rencontre point partout où on les compte trouver. Debeney s’attend bien encore à subir, le 28, quelques perles de terrain. L’Avre sera défendue, mais il sait bien que l’Avre déjà franchie ici, tournée là, n’est pas longtemps défendable ; quant au plateau entre Avre et Noyé, il entend bien s’y cramponner et pour de bon : de Coullemelle à Grivesnes.de Mailly-Raineval à Domart, et, au-delà de la rivière, à Domart, à Hangard, il veut qu’on résiste sans recul, sans quoi Amiens sera perdu, — et la bataille. Le plateau d’abord doit tenir : « Il ne peut être question, criera-t-il tout à l’heure, de passer sur la rive gauche de l’Avre. » Il a raison de maintenir, pour des heures, en avant du plateau la défense acharnée, mais c’est avec une autre foi qu’il affirmera qu’il faut se cramponner au plateau même : « tenir comme des teignes, » traduira un de ses dignes lieutenants.

En somme, le 27 au soir, nous occupions Ayencourt, au Sud-Ouest de Montdidier, Mesnil-Saint-Georges (à l’Est), Gratibus (au-delà des Trois Doms), Pierrepont (au coude de l’Avre), Contoire, Hangest-en-Santerre, le Quesnel, à 9 kilomètres à l’Est de Moreuil ; là commençait la ligne anglaise, couvrant, de Beaucourt-en-Santerre à Proyart, Hangard et Villers-Bretonneux. C’est sur ces positions qu’on se ramasse pour subir l’assaut prévu pour les 28 et 29, journées que tous pressentent critiques, — jeudi et vendredi de la « semaine sainte. »

Dès l’aube, la canonnade a repris : à huit heures, les Allemands se ruent à l’Ouest de Montdidier, enlèvent Mesnil-Saint-Georges et le Montchel ; déjà les patrouilles allemandes poussent vers l’Est, sur la ferme Belle-Assise. Et à l’autre extrémité de notre ligne, Hangcst, attaqué, succombe. La 166e division vient de débarquer ; sans désemparer, on en pousse les premiers éléments entre Coullemelle et Thory, — où le général Debeney s’est rendu de sa personne ; l’artillerie de la division vient en toute hâte se placer sur la ligne Grivesnes-Coullemelle et de là arrête le débouché des Allemands