Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mathématiques. Il mourut bientôt, et à trente ans. Son arrière-petite-fille, Isabelle Pena, je ne crois pas que les mathématiques l’aient tourmentée. Elle eut d’autres attraits : la beauté, semble-t-il, et aussi la gaieté. Elle ne démentit pas le sang provençal ; et sa vie a de l’entrain. N’oublions pas ses vertus. Le Pailleur l’appelle « une belle et bonne dame. » Il ajoute : « oiseau rare en cette saison ! » Ce n’est pas là signe de pessimisme ; c’est pour la rime seulement et parce qu’il vantera Mme de La Vergue de « bien garder la maison. » Femme d’intérieur ; et qui-reçoit et, comme dit le même Le Pailleur, « entretient bien la compagnie. » C’est une femme distinguée, assurément, et que Mme de Combalet ne dédaignera pas d’avoir dans son entourage habituel. Mais aussi nous la verrons faire, à l’occasion, de ces petites choses où quelque vulgarité d’âme se révèle : et c’est le coût de son entrain. Comme elle a plus de spontanéité que de réflexion, les vivacités de sa nature ne sont pas apprêtées, arrangées ou ornées. Il faudrait un don du ciel pour être toujours parfaite avec étourderie.

A peine au sortir de l’enfance, le marquis de Brézé reçut le titre de grand amiral. M. de La Vergue était alors son gouverneur. Et il avait pour précepteur un personnage un peu bizarre, éminent, de compétence variée, qui s’est lancé plus tard dans une aventure absurde et à laquelle il doit cependant la seule célébrité qui, lui reste : Hédelin, abbé d’Aubignac, celui-là qui s’avisa de prouver que l’Iliade n’était qu’un méchant poème et qu’il ne fallait pas s’en étonner, Homère n’ayant point existé. Quand il formulait ce paradoxe, il ne songeait qu’au plaisir d’un jeu littéraire et au divertissement de plusieurs lettrés qu’il assemblait en sa maison le premier jour de chaque mois et qu’il appelait son académie. Seulement, les philologues d’outre-Rhin, Wolf et d’autres, prirent au sérieux sa plaisanterie, au bout d’un siècle et ensuite : ils donnèrent de la rigueur à sa démonstration badine, la changèrent en doctrine et l’abbé d’Aubignac se trouva le précurseur, plus ou moins franchement reconnu, de toute une école et de toute une folie. Ses contemporains ne le méprisaient pas. Boileau le disait « fort habile. » Racine lisait et annotait sa Pratique du théâtre. Dacier voyait, en lui le continuateur d’Aristote. Perrault le déclare « l’homme du monde qui a lu goût le plus fin et le plus délicat pour toutes choses. » Et Chapelain le signale comme u un esprit tout de