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service, badinera un peu, mais aura de la sincérité dans sa hauteur, quand il affectera d’y compter ses années de Fronde, « les années qu’il servait Sa Majesté contre le Mazarin. » Les révolutions sont des époques où le mal est déguisé de tant de manières honorables ou attrayantes que de bonnes âmes s’y trompent. La Fronde est une révolution.

Les secondes noces de Mme de La Vergne ont désorienté cette famille, qui était si près du pouvoir et qui soudainement a pour chef un frondeur. Cependant, Mlle de La Vergne ne cesse pas d’être fille d’honneur auprès de la souveraine qui, dans la nuit des Rois 1649, était partie de Paris en fugitive, enlevant ses deux fils et cherchant un abri calamiteux au château de Saint-Germain, parce que les frondeurs et le chevalier de Sévigné lui rendaient la situation redoutable.

Le ménage Sévigné parait avoir, en son début, mené un joli train d’existence. Le chevalier, à qui la seigneurie de Champiré valait le titre de baron, préféra s’appeler marquis : c’était sans doute afin que Mme de Sévigné fût marquise. Elle le fui, et sans chicane. On disait, pour la désigner, « Mme de Sévigné la marquise ; » et l’autre, qui eut son mari tué en duel, et qui était la vraie marquise, « Mme de Sévigné la veuve. »

Le ménage reçoit, comme en témoigne une lettre de Scarron à Mme de Sévigné la marquise. Il se fait, dans la maison de la rue de Vaugirard, de « grosses assemblées » de « beaux esprits » et de « beaux hommes. » Ces beaux hommes, qu’est-ce que c’est ? De la part du cul-de-jatte, ce sont des hommes tout entiers, qui tiennent sur leurs jambes, qui ont l’usage de leurs bras et qui font de larges saluts : il les admire avec un chagrin gouailleur. Les beaux esprits, il n’aurait pas à les envier, s’il pouvait plus facilement se joindre à leur troupe. Mais on a de la peine à le bouger : dans les moments de crise, on ne le touche pas sans le faire crier ; dans les relâches même de la souffrance, il est un ballot peu mobile. Cependant, il sort quelquefois. Il est célèbre, l’auteur du Typhon, le maître du genre burlesque : et, à cette époque, Boileau n’a pas encore fixé la hiérarchie des genres littéraires, de sorte qu’au milieu d’un certain désordre qui a des inconvénients (si l’on n’y voit pas en plein la juste suprématie des véritables grands poètes) et qui a des avantages (si de charmants poètes n’y sont pas anéantis) il est un personnage. Il a des imitateurs, les uns francs, et d’autres sournois.