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Sainte-Beuve, mais je n’ai plus de longues lettres de lui à cette époque. Je donnerai ici pourtant un de ces billets, écrit du Marais[1], qu’habitait surtout Mme de la Briche et où Sainte-Beuve, on le sait, allait volontiers, — il y retrouvait Mmes d’Arbouville et Molé ; il aimait le château du Marais… les longues causeries féminines, les promenades sur les pelouses, à l’ombre des ambres :

… Bouquet des ormes d’autrefois.

Il a écrit :

Nous foulions doucement ces doux prés arrosés,
Nous perdions le sentier dans les endroits boisés…

Dans ce billet, il s’agit de la pièce de vers La Fontaine de Boileau, écrite justement au Marais. F. Buloz a, sans doute, demandé à Sainte-Beuve d’y insérer quelques strophes sur l’actuelle sottise :

« Je viens de finir cette pièce sous forme d’épître sérieuse, de 150 vers environ. J’y ai trouvé moyen de faire entrer quelque chose sur la sottise ; ce n’est pas tout à fait ce que vous demandiez, mais il y en a un grain… Si vous vouliez la mettre dans la prochaine Revue du 1er septembre, cela me conviendrait assez… »

Suivent les vers, avec le « grain » sur la sottise :

Tous cadres sont rompus, plus d’obstacle qui compte,
L’esprit descend, dit-on, la sottise remonte,
Tel même qu’on admire, en a sa goutte au front… etc.

Nous touchons au moment où la Revue sera privée de la collaboration de Sainte-Beuve… éclipse de quatorze années pendant lesquelles un jeune écrivain prendra presque sa place, et c’est Emile Montégut[2], esprit varié, brillant, plume vivante… Mais ce n’est pas Sainte-Beuve !


MARIE-LOUISE PAILLERON.

  1. 1843, août. Inédite.
  2. Sur Emile Montégut et son œuvre si multiple un livre nous est promis dans un avenir prochain. Félicitons-nous qu’un érudit, M. Laborde-Milan, ait entrepris cette étude : elle comblera une lacune regrettable.